Résumé

Les promesses issues des utopies numériques et de l’internet contributif des années 2000 se sont-elles définitivement envolées ? Le projet émancipateur associé à ces technologies a-t-il été tenu en échec, en distillant leur pouvoir subversif aux seules mains des oligopoles et des mouvements néo-réactionnaires endémiques sur la Toile ? La démocratisation des technologies de l’information et de la communication, souvent nommée révolution 2.0, nous lègue-t-elle autre chose que des chambres d’écho, à l’expression exacerbée, des malaises qui traversent nos sociétés ?

Face à ces questions, les automédias, en tant qu’ils constituent ensemble une nouvelle force politique et d’influence, se doivent d’opérer collectivement une démarche critique et réflexive pour interroger la manière dont ils prennent part aux transformations de nos sociétés. Cette contribution entend y prendre part, en proposant un éclairage particulier sur les automédias qui ont émergé depuis les cultures du logiciel libre et de l’open source.

En témoignant d’une approche socialisée et territorialisée du numérique, cultivée depuis les années 2000 par les réseaux issus du monde du logiciel libre et de l’open source au sein de l’espace francophone, nous cherchons à montrer comment le numérique a été moteur de solidarités sociales et spatiales, en contre-champ de mythologies du numérique hors-sol.

Depuis les marges, des travailleurs précaires et les classes populaires se sont emparés collectivement des enjeux de conception des systèmes d’information, passant du statut d’usagers à celui de contributeurs aux conditions de production et de communication de l’information, pour transformer leurs modes d’existence.

Ces groupes, constitués en automédias et faisant réseau à l’échelle francophone, ont développé des formes savoirs réciproques et une littératie numérique en tant que support à une individuation collective. Intriqués dans les réalités matérielles propres aux transformations de nos sociétés, ces échanges de savoir-faire pratiques, techniques et juridiques ont revivifié de la solidarité sociale, et même inspiré de nouveaux cadres normatifs, requestionnant simultanément les formes de l’emploi et du travail, le rapport au secteur privé et à l’État.

Auteur(s)

Sylvia Fredriksson est designer et enseignante chercheure à l’École Supérieure d’Art et de Design d’Orléans. Ses travaux portent sur les relations entre design, technique et politique, et mobilisent en particulier la question des communs pour réinvestir des trajectoires critiques.
Diplômée de l’Ensaama Olivier de Serres, des Gobelins, puis spécialisée en hypermédia à l’Université Paris-8, elle a mené un parcours de recherche à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris au sein du programme ECRIVIL – Writing the city sous la direction de Ruedi Baur et Sébastien Thiery. Menant conjointement une activité de designer et d’enseignante depuis 2006, elle est associée entre 2016 et 2018 au pôle de recherche de la Cité du design de Saint-Étienne, où elle conduit notamment le programme Design des Instances, dédié aux nouvelles configurations de l’espace et des outils démocratiques, ainsi que le commissariat scientifique de l’Exposition L’Expérience Tiers-Lieux – Fork The World dans le cadre de la Biennale Internationale Design 2017.
Depuis 2012, elle contribue régulièrement aux actions de collectifs entourant la question des communs (SavoirCom1, Remix The Commons). Elle est cofondatrice en 2022 de la Coop des Milieux (https://coopmilieux.org/), développant des pratiques de recherche-action et d’enquêtes collectives et populaires. sylviafredriksson.net

Benjamin Chow-Petit et Connie Chow-Petitcontribuent à plusieurs initiatives de communs, notamment le laboratoire citoyen & tiers-lieu, La MYNE, à Villeurbanne, France.
Depuis 20 ans, ils sont impliqués dans les écosystèmes Hacker (en particulier la sécurité des systèmes SCADA), puis les Makers, FabLabs et tiers-lieux (réseau TILIOS & RFF Labs). Membres du conseil collégial de La MYNE, co-fondateurs de la coopérative Oxamyne et de l’association Coexiscience, ils se sont également impliqués dans de nombreuses dynamiques territoriales - innovation sociale, technologique, juridico-financière, recherche scientifique, biens communs, etc.

Yoann Duriaux - Pionnier du mouvement Tiers Lieux en France et un temps administrateur du réseau des média citoyens de Rhône Alpes, Yoann Duriaux s’est très tôt intéressé aux média libres en créant Amazing, le 1er média en ligne dédié aux Tiers Lieux (articles de blog, webTV et podcast).
Après avoir fondé la communauté des Tiers Lieux Libres et Open Source (Tilios) en 2008 et le wiki Movilab.org quelques années plus trad, il poursuit aujourd’hui ses explorations en animant le programme « Pouvoir d’Agir en Tiers Lieux » avec la Fondation de France. Il est particulièrement impliqué dans le tiers-lieu La Myne à Villeurbanne dans la banlieue lyonnaise ainsi que dans le réseau des Tiers Lieux d’Auvergne-Rhône-Alpes, Relief AuRA, comme administrateur mais aussi et surtout comme coordinateur de la commission système d’information et documentation.
Yoann Duriaux s’inscrit aujourd’hui comme l’un des principaux opposant à la marchandisation contemporaine du mouvement des Tiers Lieux. Il plaide pour leur repolitisation en mettant en avant leur rôle social et leur vocation à « faire se rencontrer des gens d’univers différents voire contradictoire, afin, non pas de prévoir l’avenir, mais de le rendre (encore) possible ! ». Les automédia sont pour lui l’infrastructure socio-technique des Tiers Lieux, leur permettant d’exprimer leurs singularités, leurs convergences et leurs divergences, car faire Tiers Lieux ne se décrète pas, mais se révèle.
Yoann Duriaux est par ailleurs arboriste grimpeur, basé à la Valla en Gier dans le parc régional du Pilat (Loire). www.lezarbres.wordpress.com

Plan

"C’est l’histoire d’une espèce qui se regarde dans le miroir
sans admettre que son visage est celui de Donald Trump
."
Chloé Delaume, Mes bien chères sœurs. Seuil, 2019

Introduction

Dans son ouvrage La rébellion est-elle passée à droite ?1, le journaliste et écrivain Pablo Stefanoni décrit la manière dont les cyberutopies des années 2000 semblent avoir été aujourd’hui complètement marginalisées par l’essor du libertarisme d’extrême droite sur la Toile. À une “révolution numérique sans leader” portée par des hackers et des pirates, à l’idée d’un cyberespace comme “zone autonome”2 associée à une gauche radicale et libertaire, semble succéder une “contre-révolution numérique”3 où se propagent les voix des contre-cultures néo-réactionnaires, avec, parmi elles, de nouvelles droites non conformistes et rebelles. En d’autres termes, dans le champ des forces qui mettent le monde en mouvement, les gauches n’auraient plus aujourd’hui qu’un rôle de second plan et leur caractère subversif ne tiendrait plus que dans leur héritage et conquêtes passées. Les droites radicales à l’offensive, prenant pour marchepied et caisse de résonance Internet et les réseaux sociaux4, les auraient évincées pour s’ériger au premier plan de la scène politique.

En explorant le laboratoire mondial de ces droites alternatives et radicales, Pablo Stefanoni formule un appel à la vigilance quant à des phénomènes aujourd’hui encore marginaux mais qui, par viralité, pourraient gagner en puissance dans les prochaines années, trouvant un écho particulier à l’aune des crises multiples que traversent nos sociétés. Pour Stefanoni, ces mouvements de la droite radicale doivent nous interpeller par le caractère singulier et opérant de leurs modes d’action déployés par le biais des technologies numériques, par leurs nouveaux registres de pratiques, leur nouveau langage et leurs nouvelles références. L’analyse de Stefanoni montre aussi comment ces modes d’action en ligne ouvrent et installent des espaces pour de nouvelles positions sur l’échiquier politique, ces nouvelles droites s’emparant, progressivement et à leur manière, de sujets portés jusque-là majoritairement par des courants socialement progressistes à l’instar des thématiques écologiques. En adressant plus frontalement l’articulation de ces phénomènes avec l’usage des technologies de l’information et de la communication, les travaux de Stefanoni prolongent ainsi une littérature contemporaine de plus en plus précise sur les phénomènes d’écofascime (Gorz, 1974 ; Dubiau, 2022 ; Madelin, 2023). Ainsi, par des logiques d’influence reposant sur les GAFAM et entretenant leur propre régime de vérité automédiatique, à l’instar des “cohortes de youtubeurs virtuoses en matière de diffusion des tropes et des poses “rebelles” de droite5”, la pensée réactionnaire, nourrie de théories parfois anciennes, se réactualise progressivement dans son fond comme dans ses formes, pour alimenter des idéologies dont certains chercheurs pointent du doigt la consolidation sur le plan théorique6. Ces modes de production des idées et les systèmes socio-économico-médiatiques qui les portent, finissent par contraindre par leurs formes la pensée, par la mouler en quelque sorte, et en viennent progressivement à faire culture (New Daggett, 2023).

Dans ce contexte, les travaux de P. Stefanoni, ou encore ceux de A. Dubiau ou de C. New Daggett appellent à briser les bulles de filtres, au sens large, qui nous tiennent à distance de ces phénomènes, et à les prendre au sérieux. Il s’agit de les déplier, d’en analyser les caractéristiques et de les comprendre pour y répondre depuis d’autres trajectoires. Phénomènes politiques relativement récents, ils s’adossent à la démocratisation de la production et de la communication de l’information qui n’a cessé, depuis les années 2000, de transformer leurs valeurs et fabriques.

De cette démocratisation produite par le développement et l’usage conjoints des technologies numériques de l’information et de la communication (TNIC), des GAFAM et de réseaux sociaux numériques alternatifs (Discord, Mastodon, Telegram, etc.), nous percevons, depuis 20 ans et à travers le monde, les effets politiques, sociaux, économiques et plus récemment écologiques7. Ces technologies prennent une place de plus en plus prépondérante dans les mobilisations politiques et sociales, permettant aux subalternes8 et aux dominés de prendre la parole, de prétendre au pouvoir. Les mouvements des printemps arabes de 2011, les mobilisations Occupy décrites par Zeynep Tufekci9 en Turquie, à Hong-Kong et à New York, ou encore l’émergence du mouvement #MeToo à travers le monde en sont autant de manifestations. En France, celles-ci confèrent une visibilité médiatique à celles et ceux qui la réclament, alors que les mouvements populaires, à l’instar du mouvement des Gilets Jaunes, appellent à davantage de démocratie, sous-entendant un pluralisme idéologique et sociologique (Cardon et Granjon, 2013). Dans ces contextes, s’est affirmé le rôle politique des pratiques d’automédiation, c’est-à-dire “d’autoproduction et d’autodiffusion de l’information par l’usage ou la réinvention des appareils et circuits de communication numériques10”.

En désignant les “Droites 2.0”, Pablo Stefanoni tente de décrire un complexe culturel néoréactionnaire ayant fait d’internet un espace stratégiquement subversif, où s’installent des “climats idéologiques diffus”. La subversion politique repose, entre autres, sur l’expression individuelle ou collective d’une alter-radicalité hilare11 et l’occupation voire la saturation de la Toile par différents registres d’actions auto-médiatiques, au sein de circuits techno-économiques de production et de réception de l’information largement caractérisés par leurs formes gafamisées, capitalistiques et monopolistiques. D’une contre-révolution numérique, ces phénomènes n’en n’ont que l’apparence. Par les gestes et les différentes entreprises auto-médiatiques qui s’y déploient, individuelles et spontanées comme collectives et organisées12, se prolongent et se renforcent en réalité les médiarchies13 décrites par Yves Citton, et s’auto-alimente un capitalisme informationnel déjà analysé dès les années 90 (Castells, 1998, 1999a, 1999b).

Pour autant, ces populismes comme le souligne Yves Citton, sont davantage endémiques que partisans14. Leurs causes profondes sont à chercher dans les infrastructures qui constituent et retissent quotidiennement nos milieux d’existence (Latour, 2012), et pour Citton, celles-ci prennent naissance dans les médiarchies elles-même. Ces structures, idéaltypes du néolibéralisme, nous enferment et nous étouffent progressivement sur nous-même dans des bulles et des boucles récursives, finissant par nous retourner dos-à-dos, nous faire nous haïr les uns les autres (Citton, 2018). Les automédias, dans leur formes « gafamisées », ne seraient alors que le continuum de ce système, faisant émerger de manière épisodique et protéiforme les diverses expressions du malaise de nos sociétés.

Cependant, depuis notre position d’acteurs de l’éducation populaire et de la médiation numérique en francophonie, il nous semblait important, comme pour les initiateurs de ce colloque dédié aux Automédias et au sein duquel cette contribution s’inscrit, de ne pas réduire le genre automédiatique et les pratiques populaires de traitement de l’information aux seules formes « gafamisées » des circuits techno-économiques de production et de réception de l’information dans lesquelles se trouvent aujourd’hui enfermés un grand nombre d’automédias. D’autre part, il nous semblait également essentiel, en réponse à la provocation utile lancée par Pablo Stefanoni : “La rébellion est-elle passée à droite ?”, de rendre compte des limites d’une “contre-révolution numérique” qui ne se donnerait comme seul objectif que la quête de liberté et de subjectivisation individuelle, “faisant fi de toute critériologie de droit et de toute domination du droit sur le fait” (Stiegler, 2018), enfermant ainsi ces pratiques dans le régime de la post-vérité. Car à défaut de transformations systémiques, ces approches auto-médiatiques nous font courir le risque d’une disqualification plus importante de l’expression populaire et d’une montée de formes d’autoritarisme.

Pour que les pratiques des automédias, au-delà de formes de subjectivation individuelle, puissent être comprises et mobilisées en tant que pratiques d’individuation collective portant de réelles visées transformatives, cette contribution se propose d’enrichir le corpus des récits, des trajectoires et des acteurs qui composent l’Histoire des automédias en France.

En effet, pour un ensemble de protagonistes issus des mouvements du logiciel libre, de l’open source et des mouvements makers, l’enjeu des automédias ne porte pas seulement sur leur autonomie, leur liberté d’actions et leur indépendance financière – mais aussi sur “leurs capacités à réinventer leurs infrastructures technologiques et économiques ainsi que les valeurs, les normes, et les protocoles de production de l’information, afin d’établir leurs nécessités et légitimités démocratiques et scientifiques. Il s’agit, depuis leur point de vue, de concevoir et de produire de nouvelles puissances (Lordon, 2015) techno-politiques à travers des projets collectifs à la fois technologiques, politiques et médiatiques, en incluant l’auto-design des circuits de production et de communication d’information15”.

Et, si les contre-cultures d’un internet utopique paraissent aujourd’hui silencieuses dans le bruit des médiarchies et de leurs flux et reflux réactionnaires, nous chercherons ici à les faire parler. Ainsi, cette contribution s’attachera d’abord à décrire la manière dont les cultures populaires, influencées par les dynamiques issues du logiciel libre et open source, se sont non seulement emparées, mais ont aussi socialisé et territorialisé la question de la production de l’information en tant que pratique d’émancipation collective.
Dans une seconde partie, nous tenterons de rendre compte d’un répertoire de pratiques issues des cultures populaires mais aussi hackers et makers, dont la diversité et la portée sociale réaffirment la continuité fondamentale qui unit la culture numérique à l’évolution générale de nos sociétés. Loin d’une culture hors-sol qui tendrait vers des formes de prolétarisation généralisées, il s’agit ici de montrer, en creux, un attachement à des processus d’individuation susceptibles d’ouvrir des espaces réellement transformatifs. Nous interrogerons la manière dont nous pouvons collectivement tirer parti de la richesse et la diversité de ces savoir-faire populaires pour penser les automédias.

I. L’Éthos du libre : auto-produire, territorialiser, socialiser et pluraliser les systèmes d’information

Dans cette première partie, nous donnerons à voir comment, dans les années 2000, la production et la mise en partage de la connaissance en tant que “patrimoine informationnel commun” sont apparues comme les leviers essentiels à un processus d’émancipation collective pour un ensemble d’acteurs issus des cultures du logiciel libre en France. Des pratiques numériques ont alors été socialisées pour rendre effectif ce partage de connaissances et répondre à des enjeux sociaux et écologiques énoncés depuis une diversité de territoires. Ces automédias, organisés en réseau et communautés de pratiques ouvertes et dynamiques, se sont attachés à coproduire leurs propres infrastructures technologiques ainsi que les valeurs et les protocoles de production de l’information, démontrant ainsi leur nécessité comme leur légitimité démocratique et scientifique.

I.1. Cultures du Libre et de l’Open Source : une approche socialisée, territorialisée et en réseau des systèmes d’information

On reconnaît aux principes et aux modèles de développement du logiciel libre et de l’open source d’être le socle de nos systèmes technologiques contemporains. Ces mêmes principes d’ouverture et de partage, politisés par Richard Stallman, ont par ailleurs aujourd’hui irrigué bien d’autres domaines que l’informatique (Turner, 2012 ; Broca, 2013).

En France, les cultures du libre se manifestent dès les années 2000 par différentes initiatives et collectifs : Framasoft déploie dès 2001 un réseau dédié des enjeux d’éducation populaire au numérique ; La Quadrature du Net défend et promeut depuis 2008 les droits et libertés sur Internet, etc. Enfants de Linux, du logiciel libre, de l’open source mais aussi des libertariens, des start-uper, des anarchistes, ils sont les aventuriers de nouvelles formes de partage et de dynamiques collaboratives bâtisseuses d’un socle de communs de la connaissance : licences juridiques d’ouverture (General Public Licence pour les logiciels, 1989 ; Licences Creative Commons, 2002), Wikipédia (2001), Open Street Map (2007), mobilisations sur la neutralité de l’Internet, le droit à l’information et sur la propriété intellectuelle (SOPA, ACTA). Certaines figures emblématiques à l’image de Richard Stallman, ou des lanceurs d’alertes Julian Assange ou Edward Snowden, traceront des directions qui trouveront un écho auprès d’un grand nombre d’acteurs de la communauté du logiciel libre et, de fait, une traduction pratique et une actualisation politique à travers un ensemble d’initiatives.

Néanmoins, sous l’influence de la cyberculture américaine des pionniers de l’Internet et de célèbres figures à l’instar de John Perry Barlow et sa Déclaration d’indépendance du cyberespace, une grande partie des discours à propos d’internet et du numérique ont jusque-là présenté un fort biais « immatérialiste »16. Les pensées ou pratiques appréhendant internet en tant que continuum de nos milieux de vie ont été minorées. Ainsi, nombre d’approches et d’initiatives sont restées dans l’ombre des mythes les plus emblématiques, inscrivant durablement dans les esprits l’idée d’une culture et de collectifs « en dehors de toute inscription spatiale ou territoriale » (Demazière, Horn et Zune, 2011), et finalement hors-sol, c’est-à-dire distants d’un certain nombre de problématiques sociales ou écologiques, voire d’enjeux touchant directement à la question de la subsistance. De nombreux travaux se sont attachés à décrire cet obstacle épistémologique et à plaider une rematérialisation et reterritorialisation dans notre manière de penser le numérique (Beaude, 2014 ; Broca, 2017 ; Lopez, 2022).

À cet égard, il convient de souligner que dès les années 2000, un ensemble d’initiatives relevant notamment de l’éducation populaire, des cultures libres et de la médiation numérique17, se construisent en France et dans certains pays francophones dans un rapport réflexif aux territoires et aux modes de vie au sein desquels elles s’inscrivent. Ces initiatives se déclinent également à travers un réseau de lieux, pluriels et hétérogènes, mais reliés entre eux par un ensemble de valeurs communes (Tiers-Lieux Libres et Open Source). Ces valeurs sont décrites et rendues publiques au sein d’un manifeste18 publié en 2013.

Ces valeurs, inspirées des logiques du logiciel libre (connaissance et gouvernance ouverte notamment) se retrouvent ainsi mobilisées pour établir les principes de fonctionnement des lieux physiques où se retrouvent ces communautés de pratiques. Ces lieux, en tant qu’ils constituent des cadres d’action et de travail collaboratif et contributif, deviennent ainsi, en quelque sorte, la transposition culturelle et tangible du logiciel libre. Leur fonctionnement en réseau permet de construire des logiques de solidarité et d’entraide entre les lieux et les territoires, alors que des événements auto-organisés permettent à ces communautés de praticiens de se rencontrer.

Ce fonctionnement donne à comprendre une définition ouverte et dynamique de la notion de communauté, et un rapport spécifique à l’idée de territoire compris en tant que milieu d’interaction, et inscrite dans une perspective d’écologie sociale.

I.2 Au delà de l’emploi : une approche socialisée du travail

Historiquement, la formation de ces collectifs territorialisés résulte autant d’une volonté collective que d’une nécessité sociale. Elle advient conjointement à deux phénomènes : d’abord, ces collectifs se forment devant la nécessité de faire face, dès les années 90, à la précarité liée au déclin de la « société salariale » (Castel, 1995), ou à des formes d’emploi ne garantissant plus qu’une intégration sociale défaillante (Paugam, 2000). D’autre part, ces acteurs ont en commun la conscience du potentiel émancipateur des technologies en train d’advenir. Comme l’explique le sociologue Patrick Cingolani, les travailleurs précaires, notamment issus des "industries culturelles", recherchent une forme d’autonomie et de réalisation de soi, « héritée de la dynamique historique de révolte contre la subordination portée par le mouvement social égalitariste et anti-bureaucratique des années 196019 ». Dans une société aux sociabilités communautaires affaiblies, nombreux sont ceux qui cherchent l’« authenticité » et l’affirmation de leur identité dans la reconnaissance de « ce qu’ils font plutôt que de ce qu’ils sont ». Ces formes d’autonomie et de reconnaissance semblent rendues possibles avec l’avènement des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Pour autant, cette expérience de libération par ces travailleurs précaires est constamment traversée par les risques d’exploitation et de manipulation. Dénuées de supports collectifs, ces échappées vers l’autonomie favorisent une perméabilité aux imaginaires aliénants de l’individualisme néolibéral. C’est à ces risques que tentent de répondre les cadres d’action qui s’inventent au sein du réseau des Tiers-Lieux Libres et Open Source, par des logiques de solidarité sociale et territoriale. L’éthos du libre, en tant qu’« ensemble de valeurs qui constituent un cadre pour l’action et s’actualisent dans des pratiques » (Broca, 2013, p. 24) constitue alors une réponse pratique aux transformations sociétales en cours. Ces communautés territorialisées, hybridation des marges technologiques et des marges sociales, réinventent alors sans cesse des organisations du collectif et par extension des nouvelles organisations du travail, à partir des valeurs du Libre et de l’Open Source.

I.3 Auto-design des circuits de production et de diffusion de l’information : un moyen d’agir sur les milieux et les modes d’existence

Dans les années 2000, si les politiques s’intéressent alors assez peu aux médias20, les protagonistes et agitateurs du Libre, eux, s’intéressent à la politique. Et selon eux, pour reprendre l’adage proposé par Yves Citton, “il ne sert à rien de prétendre faire de la politique tant que l’on ne questionne pas la structuration des perceptions et des débats par les dispositifs de médialité actuellement dominants21.”

La question de la conception de l’information constitue un des enjeux majeurs que se sont approprié les acteurs des réseaux du Libre et de l’Open Source, au « quadruple sens de l’idée de ce qu’elle doit être, de la forme qu’elle doit prendre, de la manière de la produire et de l’usage que l’on peut en faire ». Ainsi, l’auto-design mais aussi la maintenance (Denis et Pontille, 2022) des circuits de production et de communication de l’information constituent une clé politique pour ces acteurs, une condition démocratique. L’exemple le plus significatif traduisant cette position est probablement le projet Movilab22, une plateforme de documentation contributive des modes de vie durable initiée en 2012. Automédia conçu et développé par les acteurs eux-mêmes, celui-ci devient progressivement un commun de la connaissance multi-territorialisé et en réseau pour les communautés en tiers-lieu partageant les valeurs du libre et de l’open source. Ainsi, les dynamiques d’usage et de gouvernance ouverte du wiki Movilab constituent de fait, dès 2013, une réponse en acte au rapport de force techno-économique de l’économie des plateformes, mais aussi un projet social et politique.

On comprend alors que les réseaux du Libre et de l’Open Source s’intéressent moins aux média (appliqués au média de masse) qu’aux media, c’est-à-dire à l’appareillage permettant d’enregistrer, transmettre ou traiter des informations. Par cette acception large de la notion de media, il s’agit de rendre visible et prendre en charge collectivement les médiations, c’est-à-dire à la fois les “moyens”, les “intermédiaires” et les “milieux” dans une logique de transformation réciproque. “Cette approche de la notion de media s’intéresse au “moyen” de transformer tel aspect de l’état du monde et le “milieu” au sein duquel cette transformation doit avoir lieu. Faire œuvre de médiation consiste alors en l’ajustement du moyen au milieu (à sa soutenabilité, à sa convivialité et à l’enrichissement de sa diversité)”23.
Prolongeant la perspective “médialiste” décrite par Yves Citton, les acteurs des cultures du Libre et de l’Open Source procèdent alors par une compréhension du numérique en tant que milieu technique (Simondon, 2012) et milieu associé24. Les Tiers-Lieux Libre et Open Source (TILIOS) en deviennent le continuum, la transposition physique et culturelle. Le numérique est vécu dans sa « dimension écologique », c’est-à-dire en tant qu’environnement où les « effets d’interaction configurent un milieu de vie »25.

I.4 La recherche d’un pluralisme sociologique et idéologique

Alors que les cultures Libres et Open Source instruisent en tant que condition du politique l’auto-design et la maintenance des circuits de production et de communication de l’information, nombre d’initiatives de documentation et d’éditorialisation collective se développent, à l’instar de Wikipédia ou de Movilab. L’éthos du libre donne jour à de multiples communautés d’écriture (Sauret, 2020) dont les logiques de gouvernance collective et leurs effets sont largement débattues (Freeman, 1975 ; Schneider, 2021) et sans cesse réactualisées.

Ces automédias - dans leur ensemble - sont compris comme autant de configurations sociales ouvertes, territorialisées ou non, et en réseau. Si certains ont pour finalité de constituer un patrimoine informationnel commun selon des principes de connaissance ouverte (Wikipedia), d’autres cherchent à allouer à la société civile des moyens d’enquête et d’investigation26. Il s’agit alors pour ces media de se mettre en capacité de lancer des alertes (Chateauraynaud, 2020) mais aussi - et surtout - de concevoir des cadres démocratiques de réception, de documentation et de mise en débat de ces alertes, propres à enrichir les cadres de « délibération sur les moyens et les fins de la production de l’information et de toute autre forme d’action27 ».

Les ressources mises en commun deviennent des capitaux libres de droits et remettent en cause la notion de propriété. Ces automédias - et par extension, les espaces de délibération et de production (physiques et virtuels) qui les prolongent - génèrent un flux intense d’actions dont l’une des grandes qualités est la réversibilité : à tout moment le modèle peut être remis en cause, dans une sorte de préfiguration de ce que peut devenir une démarche de sobriété, menant à un projet écologique appliquée.

Yoann Duriaux, co-initiateur de ces démarches, l’explique ainsi : “En faisant cohabiter localement des mondes différents et parfois contradictoires, le tiers-lieu enclenche un processus de rééquilibrage sur les territoires (territoire institué ou territoire projet). Il provoque un dialogue et des frictions là où l’expertise clôt la discussion. Il invite à prendre possession, à faire évoluer, à explorer et à appliquer des solutions sur des problématiques jusqu’alors balisées. Qu’il soit question de gestion, de création, de production, de culture, de consommation, d’éducation, de famille, d’objets et de choses, il suggère une démarche de réappropriation de certains mécanismes sociaux. La démocratisation des technologies numériques a banalisé ce genre d’intervention. Elles trouvent dans les tiers-lieux un prolongement tangible. Ils en ont le même potentiel transformationnel, créatif, voire transgressif. C’est pour cette raison que le tiers-lieu est tiers. Non pas à cause d’une position d’entre deux, mais parce qu’il ouvre sur de nouveaux champs.”

Témoignant d’une recherche de pluralisme sociologique et idéologique, les dynamiques de tiers-lieux libres et open source n’en sont pas moins attachées à des valeurs, et veillent à leur légitimité démocratique et scientifique en mettant en place des mécanismes de co-évaluation et co-évolution par les pairs, à l’instar du projet de marque collective de certification28 proposée par les T.I.L.I.O.S29.

Cette marque collective de certification pour le réseau TiLiOS incarne un référentiel commun, destinée à favoriser la coopération entre les acteurs du réseau, à protéger la diversité issue de la culture tiers-lieux, mais aussi à faciliter la compréhension critique des évolutions sociales, techniques économiques qui traversent les lieux.
Il s’agit de bâtir une grille de lecture pour caractériser chaque tiers-lieu, articulée autour de 5 propriétés définies dans le cadre de sessions collégiales de travail regroupant les protagonistes du réseau TiLiOS en 2017. Ces propriétés structurent l’agrégation des individus par les tiers-lieux : Configuration sociale, Patrimoine commun, Libre appropriation, Émancipation et (en)capacitation, Résilience et modularité. La marque collective de certification pour les tiers-lieux répond à plusieurs enjeux : (1) Consolider un langage commun et des logiques de reconnaissance entre acteurs, premiers jalons d’un cadre de confiance, de réciprocité ; (2) Protéger les auteurs des créations et des services qui naissent dans les tiers-lieux ; (3) Prévenir des phénomènes d’enclosure sur le capital informationnel commun autour duquel s’agrège la communauté.

I.5 Les échelles comme productions sociales

Dans les pas des travaux de Boris Beaude et Sébastien Broca, nous avons précédemment tenté d’apporter un éclairage sur une histoire territorialisée des cultures Libre et Open Source, à distance des récits portant exclusivement sur des approches immatérielles ou abstraites du numérique. Loin d’une conception hors-sol, nous avons cherché à détailler les intrications philosophiques et historiques qui enchâssent le numérique dans les problématiques sociétales contemporaines.

Ce travail paraît d’autant plus essentiel que les urgences auxquelles nous faisons face nous pressent à retrouver des prises sur un monde dont beaucoup ont la sensation qu’il nous échappe, sous l’effet des formes violentes et aliénantes de la globalisation. Ainsi a-t-on pu observer ces dernières années, dans la sphère politique, un regain d’intérêt pour le concept de territoire en tant que visée et point d’atterrissage, aussi bien pour les mouvements réactionnaires que progressistes30. Vivement défendue par l’extrême-droite, cette notion sous-tend l’idée d’un enracinement communautaire à l’échelle locale pour défendre le fantasme d’une unité culturelle et raciale31. L’investissement plus récent du concept chez les penseurs de l’écologie politique demeure quant à lui plus ambiguë et parfois simpliste, systématisant l’échelle locale comme intrinsèquement porteuse de bénéfices sociaux et environnementaux32.

En contribuant à remettre en perspective la trajectoire des cultures du Libre et de l’Open Source depuis les territoires, nous cherchons alors à préciser et rendre visible une autre hypothèse politique issue de cette expérience. Plutôt que de faire de l’échelle locale une finalité, il nous semble que la promesse d’une perspective médialiste repose dans le pari de faire de chaque échelle une production sociale à réinventer. L’expérience des cultures Libres et Open Source, par l’attention portée aux médiations, nous enjoint à penser chaque échelle en considérant les rapports de violence et de domination réciproques, au sein de cadres démocratiques et ouverts permettant une expression plurielle des parties-prenantes.

Chaque échelle d’action est une forme de production sociale. Chacune d’elles est une configuration spécifique, singulière et en mouvement, où les médiations, adossées à des systèmes techniques et informationnels, fondent nos relations sociales. Yves-Citton, en 2017, décrivait ainsi de tels processus :

“ Si les Médialistes attirent l’attention sur l’importance des media à travers lesquels se construit notre connaissance (ainsi que notre ignorance) du monde qui nous entoure, elles font plus généralement porter leurs soins sur les différents types de “médiations” à travers lesquelles s’articulent et se trament nos interactions sociales. Ces médiations peuvent être institutionnelles (une organisation dotée d’une certaine stabilité dans le temps), procédurales (un enchaînement de comportements successifs), gestuelles (une action relationnelle). Elles peuvent prendre place à l’échelle d’un continent, d’un quartier, d’un couple. Elles peuvent impliquer d’énormes réseaux de serveurs ou l’échange éphémère de deux regards. Ce qu’ont en commun toutes ces médiations, c’est de nourrir une relation qui alimente la vie des parties-prenantes, en atténuant autant que possible la violence des rapports de force qui structurent leurs situations réciproques, généralement inégales. C’est cette attitude fondamentalement diplomatique, pacificatrice, qui fait fréquemment accuser les Médialistes de n’avoir rien compris à la politique, voire d’en saper dangereusement l’exercice.33

II - Réinvestir la créativité et le pouvoir subversif des pratiques populaires

Les médiarchies nous montent les uns contre les autres. Dès lors, nous inscrire en tant qu’automédias dans le continuum des infrastructures techniques, économiques et médiatiques de l’économie néolibérale constitue une impasse.

Le récit de trajectoires singulières issues des cultures libres et open source nous ont montré que la mise en commun de l’information pouvait constitué le premier jalon d’une démarche plus ambitieuse : concevoir et produire de nouvelles puissances (Lordon, 2015) techno-politiques à travers des projets collectifs à la fois technologiques, politiques et médiatiques, incluant l’auto-design et la maintenance des circuits de production et de communication d’information.

À travers ces mêmes dynamiques de tiers-lieux libres et open source, leurs protagonistes ont développé des formes savoirs réciproques, des expériences et une littératie numérique en tant que support à une individuation collective. Cette seconde partie s’attache à décrire plus en détails ces savoirs-faire pratiques, techniques et juridiques qui ont non seulement revivifié de la solidarité sociale mais aussi inspiré de nouveaux cadres normatifs, réinterrogeant simultanément les formes de l’emploi et du travail, mais aussi le rapport au secteur privé et à l’État.

Dans une perspective de transformation de nos sociétés de l’information, ces démarches interpellent et remettent en cause les manières de penser le numérique au sein des processus de conception des politiques publiques et plus largement, de l’action publique.

II.1 D’un internet populaire vers de nouvelles littératies

Avons-nous considéré avec suffisamment d’acuité les pratiques collectives et populaires qui entourent l’évolution de nos systèmes d’information et de communication ?
La sociologue de la culture et des médias Dominique Pasquier, par son enquête intitulée L’Internet des familles modestes (Pasquier, 2018) avait révélé un ensemble mécanismes de de hacks, de détournements des usages et outils numériques par les classes populaires, mais aussi des méthodes de débrouille et d’entraide sur internet, qui apparaissaient en strict contre-champs du statut d’usager et de consommateur passif auquel nous renvoient, voire nous assignent, les logiques privées comme les politiques publiques.

Dans la continuité des ces formes de hack et de détournement d’usage du numérique, qui constituent des formes de réappropriations populaires, les cultures du libre et de l’open source ont installé ces vingt dernières années un corpus de connaissances et de pratiques dotant la société civile d’un plus grand pouvoir d’agir par les usages numériques et sur les systèmes d’information et de communication.

Nombreux sont les sites et projets de documentation qui forment aujourd’hui un maillage de communs de la connaissance. Au-delà des tutoriels et autres recettes de cuisine34, une variété de registres de documentation constitue, en s’agrégeant, un véritable répertoire d’actions : démarche de description, mode d’emploi, partages d’expérience avec des communautés proches, coproduction de politiques publiques (municipales, étatiques, européennes).

Au sein de ce répertoire d’actions, les pratiques d’écriture relevant du droit, ou mobilisant des compétences juridiques, prennent une place importante. Nombreux chercheurs se sont attachés à décrire des processus de co-production de normes juridiques ascendantes (Peugeot, 2016) : licences, chartes, règlements propres aux cultures du logiciel libre, aux makers et communautés hackers.

Les travaux de récent de la chercheuse Mélanie Dulong De Rosnay nous donnent aussi à comprendre comment “le modèle informatique du pair-à-pair, un type d’architecture dans lequel les actions sont distribuées, constitue une source d’inspiration en tant que principe de design et de conception pour un droit des communs35”. Ces travaux encouragent ainsi l’activation d’imaginaires juridiques issus des cultures numériques ouvertes, à l’instar du principe de faisceau de droits (Ostrom, 1990), qui pourraient contribuer à renouveler les fondements du système juridique occidental. Ainsi, au-delà du socle technique qu’il constitue, le libre ouvre à la culture des automédias un champ de recherche portant sur des dimensions plus élargies de leurs organisations et leurs modes d’action.

II.2 Communautés d’écriture : élargissement du répertoire d’action en faveur du renforcement des capabilités et des droits sociaux

C’est depuis cette perspective de réinvention du droit qu’ont travaillés les protagonistes des tiers-lieux libres et open source. Alors que les conditions de considération et de valorisation de la contribution aux démarches de communs restent un chantier à peine ébauché et que la reconnaissance des travailleuses et travailleurs demeure un motif urgent, nombreuses sont les pratiques d’écriture (juridiques ou normatives) qui s’attachent à la reconnaissance de formes de « droit au travail dans les communs ».

Inspirées des travaux de Supiot et Stiegler (Maurel, 2017), dans les pas de André Gorz ou Yann Moulier Boutang, ces communautés, structurées en associations ou coopératives, s’emparent des expériences de contribution pour penser leurs droits sociaux et expérimenter de nouvelles formes de travail et de protection sociale.

Nous proposons, dans cette partie, d’explorer certaines de pratiques qui, de manière empirique et par des formes de bricolage juridique, œuvrent en faveur de la reconnaissance des droits des individus dans les communs. La plupart de ces expérimentations proviennent, ou ont été en contact, avec la communauté du tiers-lieu La Myne, à Villeurbanne36. Laboratoire citoyen et tiers-lieu libre et open source, La Myne a pour vocation le soutien à des démarches citoyennes agissant sur les transitions. Certains projets bénéficient du soutien de la Fondation de France37, ou d’un travail conjoint avec l’ANACT38 (Agence Nationale pour l’Amélioration des Conditions de Travail).


Les conventions de réciprocité sont une forme de contractualisation hybridant formel et informel, individuel et collectif, sensible et technique, dont le but est de faciliter les partenariats entre acteurs publics (collectivités, EPIC, etc), acteurs privés (associations, entreprises, etc.) et particuliers (citoyens), dans une forme respectant la contribution de chacune des parties.
D’abord initiées par l’écosystème hacker / maker libriste stéphanois, avec une orientation numérique et pair-à-pair assez forte, les conventions de réciprocité ont été reprises et modifiées significativement par la communauté de la Myne.
Les conventions de réciprocité tentent de répondre aux enjeux suivants : (1) Comment documenter les envies, contraintes et le contexte autour d’une contribution, d’une coopération ou d’une personne au sein d’une communauté ? (2) Comment formaliser, notamment juridiquement, des envies de coopérations et les réciprocités nécessaires, sans pour autant les rigidifier, les rendre inaccessibles ou insécurisantes ?
Originellement issues d’une simple documentation informelle des attentes et des obligations d’un.e contributeur à une communauté, ces conventions ont depuis été utilisées dans des collaborations d’échelles nationales avec des institutions.
Elles jouent le double rôle de document juridique et d’expression sensible de personnes, dans la perspective d’introduire une culture du soin au sein des relations de travail. Elles cherchent également à protéger les contributeurices aux coopérations entre plusieurs structures juridiques, là où ce type de contrat ne porte habituellement que sur un seul niveau de coopération (les personnes morales en général).
Des prototypes de conventions de réciprocité sont accessible en ligne sous licence Creative Commons BY-SA 4.0 : https://pad.lamyne.org/patl-hermita...
Les démarches de budget contributif sont utilisées dans ces communautés afin d’insérer certaines valeurs et pratiques du libre dans la gestion socio-économique d’un projet - en particulier afin de permettre la libre contribution et la transparence dans les rémunérations.
En substance, le budget et le travail engagé autour du projet est accessible, ouvert aux propositions de contributions et de rémunération.
Autant qu’outil interne à ces communautés de pratiques, les budgets contributifs sont également devenus un objet de diplomatie interculturelle et d’activisme politique.
Déterminer les règles du budget contributif vise au sein de ces communautés à permettre la liberté individuelle et la confiance collective, mais également la reconnaissance de travaux passés et/ou habituellement invisibilisés, ou encore de rendre transparent les contraintes de chaque participant.
Un article wiki expliquant une pratique (parmi d’autres) de budget contributif est disponible en ligne : https://movilab.org/wiki/Coremuneration.
L’expérimentation CDI communautaire part du constat que, souvent, les formes contractuelles et statutaires de travail offertes aux membres de ces communautés ne correspondent pas à leurs attentes. Parmi les besoins exprimés : non subordination, protection sociale, sécurité économique, liberté individuelle, solidarité, mutualisation, autonomie, inclusivité, légèreté administrative et organisationnelle.
L’expérimentation tente une approche un peu plus collective des postes de travail, en en partageant la responsabilité entre plusieurs personnes, mais avec des pratiques de mutualisation et de sécurité. La documentation du travail, du vécu des participant.e.s et des règles du CDI communautaire fait partie intégrante de son fonctionnement prototypal. Il s’agit de bricolage juridique, économique et sensible.
À propos du CDI communautaire, voir notamment “L’organisation semi-ouverte comme réponse au chaos” par Frédéric Brugeilles, Connie & Benjamin Chow-Petit, et Florence Le Nulzec, dans “Alternatives organisationnelles et managériales : promesses et réalités ?”, La Revue des conditions de travail n°12, ANACT, Octobre 2021. En ligne : https://www.anact.fr/alternatives-organisationnelles-et-manageriales-promesses-et-realites
La reconnaissance de l’innovation sociale dans les achats innovants du secteur public
Il existe un dispositif dans les achats publics permettant de faciliter l’achat public innovant.
Cependant, historiquement, ce dispositif est assez peu utilisé, et ne concerne très souvent que l’innovation technologique fermée (brevets).
Les technologies ouvertes, sous licences libres, ou à fortiori l’innovation sociale, ne sont typiquement - et à priori- pas concernés.
Au sein du tiers-lieu La Myne, des chercheurs ont pu co-documenter, analyser, et finalement publier sur les dynamiques qui la composent. Ce corpus de publications scientifiques, sur l’innovation sociale urbaine, sur les spécificités, résultats et pratiques de la communauté mynoise, représente une forme de légitimité en termes d’innovation sociale.
Armée de ce corpus, et de documents de la communauté, des membres de la communauté mynoise a suggéré à une association alliée, la Fabrique des Communs Pédagogiques, de proposer à une agence d’État de travailler avec eux par cet intermédiaire. La proposition fait l’objet d’échanges sur le bien-fondé de la demande, avec des questions légales mais également culturelles. Un premier avis officiel de l’agence d’Etat sera émis avant fin 2023.
On peut y voir une forme de communauté apprenante, dont les échanges viennent enrichir la documentation et la mise en récit sur le sujet, avec différents angles.

Ces expérimentations ont ceci en commun qu’elles co-évoluent avec les dynamiques de documentation et d’éditorialisation qui les ont vu naître.

Le CDI communautaire, par exemple, est directement né d’une session de curation de l’information existante au sein de la communauté de la Myne39. Cette curation a matérialisé les efforts et documentations en cours, et en filigrane un objet social et légal qui pourrait tenter d’y répondre a été proposé.

Ces formes d’écriture racontent une histoire de ces communautés, et prennent parfois des formes juridiques, économiques ou institutionnelles quand l’un des interlocuteurs partis prenantes de ces communautés parle ce langage.

Ces démarches ont évolué de manière organique : la co-production de politique publique est concomitante de démarches de description, de partages d’expérience avec des communautés proches, de production d’un patrimoine informationnel commun et de documentation plus spontanée / partielle. Il n’y a pas forcément volonté de hiérarchie des contenus, qui donnerait un statut plus “sérieux” ou “important” à un écrit juridique par rapport à la simple expression d’une volonté commune ou d’une histoire individuelle.

Ce sont donc souvent des objets d’expression, de médiation et de rapport de force autour des réalités socio-économiques, qui réussissent parfois à impliquer les financeurs et commanditaires dans de nouvelles postures.

Conclusion

Au sein de la diversité des protagonistes qui composent aujourd’hui la constellation des automédias, les acteurs issus des cultures libres et de l’open source (T.I.L.I.O.S) et leurs initiatives ne sont pas les plus visibles ou les plus connues. Bien qu’ils se soient constitués en automédias dès les années 2010 (Movilab), leur histoire n’est pas tout à fait celle à laquelle s’identifie la plupart de celles et ceux qui ont porté de nouvelles voix et de nouvelles pratiques sur le devant de la scène médiatique. Leurs motivations, leurs finalités comme leurs moyens sont différents.

Néanmoins, leurs démarches convergent à l’endroit d’une désintermédiation, répondant au besoin et au désir de renverser la chaîne de contrôle de l’information en évinçant un tri arbitraire et une hiérarchisation des interlocuteurs et des formes de savoirs, et empêchant toute forme de censure. Inspirés des lanceurs d’alertes, les T.I.L.I.O.S cherchent depuis les années 2000, par la production de savoirs et de connaissances mises en commun, et plus largement, par la socialisation du processus de production et de diffusion de l’information, à “rendre le débat démocratique (encore) possible” (Duriaux, 2013) en portant une attention à la pluralité et l’hétérogénéité des individus qui y prennent part. À ce titre, ils s’inscrivent dans les pas des travaux du pragmatiste John Dewey40 sur la démocratie, comprise en tant qu’une expérimentation soumise en permanence à l’épreuve des faits, et non un ordre dogmatique ou institutionnel.

En mettant au cœur de leur démarche l’enjeu des sociabilités (Burret, 2023), les processus collectifs instillent des dynamiques de solidarité incarnant une forme de soutien aux transformations individuelles et collectives en cours dans tous les champs de l’existence.

Du bricolage à la transmission de savoir-faire techniques ou encore juridiques, ces communautés réinvestissent à bas bruit la créativité et le pouvoir subversif des pratiques populaires, développant de nouvelles littératies et de nouvelles capabilités.

Ce socle de pratiques communes permet aujourd’hui à ces collectifs de s’intéresser à des dimensions plus spécifiques de leurs conditions de travail et de leurs modes d’existence, et de poursuivre leur approche par l’expérimentation, comme en témoignent les mécanismes présentés dans cet article.

Le récit des T.I.L.I.O.S est, à l’image de celui des ronds-points et du mouvement des Gilets jaunes, le récit d’une expérience d’empuissantement collectif et populaire. Depuis cette perspective, on peut considérer avec plus d’acuité ce que les cultures numériques ouvertes ont pu y apporter : la capacité pratique et collective à se saisir de l’auto conception des systèmes d’information pour dépasser les écueils des systèmes techno-économico-médiatiques délétères dans lesquelles nous sommes pris, et qui nous aspirent vers des logiques de cloisonnement, de concurrence, terreau d’une haine endémique.

À l’heure d’une montée puissance des flux réactionnaires, les T.I.L.I.O.S proposent un autre cap : celui de l’hétérogénéité, du débat rendu possible par une société soucieuse, concernée et impliquée par l’information et la valeur de l’information qu’elle produit. Les T.I.L.I.O.S nous rappellent aussi, par leur expérience, que ce qui fait territoire se définit et se constitue par le maillage des sociabilités (Burret, 2023) et des solidarités pratiques qui le composent, au-delà des géographies et des frontières administratives, identitaires ou politiques auxquelles nous sommes trop vite ramenés et assignés. Leur puissance politique s’exprime par l’expression d’une inventivité populaire et s’incarne par la mise en capacité collective à reprendre prise sur l’ensemble des pratiques, structures et mécanismes qui composent nos modes d’existences.


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1 Stefanoni, P. (2022), La rébellion est-elle passée à droite ? Dans le laboratoire mondial des contre-cultures néo-réactionnaires, trad. M. Saint-Upéry, la Découverte.

2 Bey H. (1998), TAZ : Zone autonome temporaire, Éditions de l’Eclat.

3 Nagle A. (2017), Kill All Normies. Online Culture Wars from 4chan and Tumblr to Trump and the Alt-Right, Zero Books.

4 Stefanoni, P. (2022), La rébellion est-elle passée à droite ? Dans le laboratoire mondial des contre-cultures néo-réactionnaires, trad. M. Saint-Upéry, la Découverte, page 13.

5 Ibid. page 13

6 Dubiau A. (2022), Écofascismes, Éditions Grevis, page 7

7 Allard L., Monnin A., Nova N. (dir.) (2022), Écologies du smartphone, Lormont, Le Bord de l’eau, coll. « Documents », 216 p., EAN : 9782356877918.

8 Spivak G. (2009), Les subalternes peuvent-elles parler ? trad. J. Vidal, Éditions Amsterdam

9 Tufekci Z. (2019), Twitter et les gaz lacrymogènes. Forces et fragilités de la contestation connectée, C&F Éditions

10 Galligo I., Duhem L., Bouté É., (2022) « Automédias. Pour une fabrique populaire de l’information à l’époque de la post-vérité », Appel à contribution Cahiers Costech n°6

11 Citton Y, (2018) Extrait de l’émission Par Jupiter de France Inter, enregistrée le 5 décembre 2018. En ligne : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/par-jupiter/yves-citton-9571920

12 « Ils vocifèrent de partout : ils n’ont qu’à ouvrir la bouche pour que leur frustration entre en parfaite résonance avec le buzz médiatique - alimentant une auto-causalité récursive apparemment invincible. » Extrait de Citton Y. (2018), Contre-courants politiques, Éditions Fayard

13 Citton Y. (2017), Médiarchie, Seuil

14 Citton Y. (2018), Contre-courants politiques, Fayard, page 20

15 Galligo I., Duhem L., Bouté É., (2022) « Automédias. Pour une fabrique populaire de l’information à l’époque de la post-vérité », Appel à contribution Cahiers Costech n°6

16 Voir notamment l’article du chercheur Sébastien Broca consacré à ce thème. BROCA S., « Matière et territoire dans la culture du logiciel libre », Géographie, économie, société, 2018/1 (Vol. 20), p. 15-32. DOI : 10.3166/ges.20.2017.0027. URL : https://www.cairn.info/revue-geographie-economie-societe-2018-1-page-15.htm

17 Voir notamment la documentation dédiée à la médiation numérique sur le wiki Movilab.org https://movilab.org/index.php?title=Portail:Les_pratiques_et_la_m%C3%A9diation_num%C3%A9rique

18 Le Manifeste des Tiers-Lieux (Libre et Open Source) est une œuvre collective publiée en 2013 qui a pour intention originelle d’améliorer la compréhension de ce qui se fait (ou révèle) par les Tiers-Lieux de manière à diffuser au plus grand nombre ses (10) valeurs. En ligne : https://movilab.org/index.php?title=Le_manifeste_des_Tiers_Lieux

19 Cingolani P. (2014), Révolutions précaires, La Découverte, p. 90

20 Citton Y. (2018), Contre-courants politiques, Éditions Fayard, page 33

21 Ibid., page 33

22 Voir notamment la documentation du projet sur le wiki Movilab.org. En ligne : https://movilab.org/wiki/Historique_de_Movilab

23 Citton Y. (2018), Contre-courants politiques, Éditions Fayard

24 Voir aussi Fredriksson S., Duriaux Y., « Tiers lieux libres et open source : repolitisation des pratiques et mécanismes de reconnaissance au sein de configurations collectives », L’Observatoire, 2018/2 (N° 52), p. 56-58. DOI : 10.3917/lobs.052.0056. URL : https://www.cairn.info/revue-l-observatoire-2018-2-page-56.htm

25 Merzeau L., « Éditorialisation collaborative d’un événement », in Communication et organisation [En ligne], 43/2013, mis en ligne le 01 juin 2015, consulté le 14 décembre 2017. URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation/4158.

26 Voir par exemple l’initiative Rivières pourpres, wiki destiné à l’enquête autour de la pollution au sang du fleuve La Vilaine en Bretagne, décrit par Xavier Coadic en 2019. En ligne : https://notesondesign.org/xavier-coadic/

27 Burret A, Fredriksson S, (2021) « De quoi les tiers-lieux libres et open source sont-ils le nom ? » Entretien avec Antoine Burret et Sylvia Fredriksson par Elisabeth Dau, Nicolas Krausz, Revue Horizons publics, n° 21, 02 août 2021.
Voir aussi : Burret A., (2023) Nos tiers-lieux, FYP Édition, page 158

29 T.I.L.I.O.S : Tiers-Lieux Libres et Open Source

30 Voir notamment Dubiau A. (2022), Écofascismes, Éditions Grevis, p. 203

31 Ibid. p. 134

32 Ibid. p. 206

33 Citton Y. (2018), Contre-courants politiques, Éditions Fayard, page 31

34 “Faire tiers-lieu, c’est comme faire une recette de cuisine avec des ingrédients qu’il faut choisir et doser.” Yoann Duriaux cité par Simon Laurent. Extrait d’entretien avec Simon Laurent, par Sylvia Fredriksson, le 22 août 2019. En ligne : https://notesondesign.org/simon-laurent/

35 Dulong de Rosnay, M. « Regard sur le droit et les communs : Un droit pair-à-pair » In : Dynamiques du commun : Entre État, Marché et Société [en ligne]. Paris : Éditions de la Sorbonne, 2021 (généré le 19 novembre 2023). Disponible sur Internet : <http://books.openedition.org/psorbo...> . ISBN : 9791035107536. DOI : https://doi.org/10.4000/books.psorbonne.99942.

36 La Myne : Laboratoire de Recherche & d’Expérimentation Citoyen Anti-disciplinaire - Tiers-Lieux Libre & OpenSource des Transitions. https://www.lamyne.org/

38 L’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail est un établissement public à caractère administratif français créé en 1973, et placé sous la tutelle du ministère du Travail. Elle constitue la tête du réseau des agences régionales pour l’amélioration des conditions de travail. https://www.anact.fr/

39 La MYNE est un laboratoire citoyen, tiers-lieu(x) libre et open source à Villeurbanne (Métropole de Lyon). Sa vocation : soutenir les citoyen.ne.s qui expérimentent le futur et agissent sur les transitions (habitat, alimentation, énergie, etc.), chacun.e à sa façon (technique, art, science...), par les communs. https://www.lamyne.org/

40 Dewey J. ( 1939), Creative Democracy, The Task Before Us. Voir notamment le prologue à l’ouvrage de Burret A., (2023) Nos tiers-lieux, FYP Édition

Citer cet article

Fredriksson, Sylvia., Chow-Petit, Benjamin., Chow-Petit, Connie., Duriaux, Yoann. "Penser les automédias depuis les cultures du libre et de l’open source.", 5 janvier 2024, Cahiers Costech, numéro 6.

DOI https://doi.org/10.34746/cahierscostech181 -
URL https://www.costech.utc.fr/CahiersCostech/spip.php?article181