Donnons un sens à l'innovation
EP Récit
Quand on ne sait pas expliquer ni comprendre ce qui arrive, on le raconte. Le récit est une forme universelle d’appréhension du réel et d’autrui où l’on raconte et partage ce qui arrive, ce qui est arrivé, ce qui aurait pu ou pourrait arriver. Le récit est aussi la seule expérience expressive où l’on peut vivre dans son ici et maintenant ce qui est arrivé ailleurs, dans un autre temps, à un autre que soi. Le récit est une forme privilégiée d’intersubjectivité et de connaissance.
Mais comment raconte-t-on ? S’il est probable que l’humanité ait appris à parler en racontant des histoires, elle ne s’en tient pas à l’oralité : de multiples écritures, représentations, expressions matérialisent et manifestent l’acte narratif. En quoi ces supports et formes matérielles d’inscription déplacent, augmentent, reconfigurent cet acte ? Comment les formes calculées permises par les outils numériques transforment les histoires racontées et leur statut ? Les outils d’expression grammatisent l’acte narratif et transforment la discrétisation du réel raconté au point d’avoir des récits sans narrateurs et sans lecteurs, comme on le voit dans les IA génératives. Qu’apprend-on sur le récit par ces déplacements ? Qu’apprend-on sur le numérique et les outils d’expression par les nouvelles formes esthétiques élaborées ?
L’enjeu est aussi de se demander si les théories du récit ne sont pas seulement des artefacts des outils qui l’expriment, se trompant d’objet en quelque sorte, le récit étant alors une forme originaire sans origine qu’on ne peut que manquer. Cette méprise essentielle serait en fait celle propre au récit lui-même : une tentative toujours mise en échec de faire revivre ce qui est révolu (ce qui n’existe plus), de donner à vivre ce qui n’existe pas (la fiction) ou ne peut exister (l’idéalité).
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