Mes recherches doctorales, que j’effectue sous la direction de Xavier Guchet et de Jean-Claude Dupont, portent sur les transformations contemporaines dans le recherche en psychiatrie et sur la manière dont les technologies reconfigurent le concept de trouble psychique tel qu’il est visible au sein des classifications dont se dote la discipline. Je m’intéresse en particulier au projet des Research Domain Criteria (RDoC), qui vise à encourager et structurer la recherche de biomarqueurs transdiagnostiques en psychiatrie par une approche translationnelle, dimensionnelle et intégrative, des gènes aux comportements en passant par les circuits nerveux. La face la plus visible des RDoC est ainsi un tableau dont les lignes classent des fonctions neurocomportementales réputées impliquées dans les pathologies psychiatriques, et dont les colonnes regroupent différentes unités d’analyse permettant de caractériser ces fonctions. Ce faisant, les RDoC promeuvent un ensemble de techniques de recueil et de traitement de données biologiques et comportementales. S’agissant d’une proposition de classification alternative visant à mieux comprendre les soubassements biologiques du trouble mental, le projet des RDoC a majoritairement été commenté sur ses enjeux ontologiques, conceptuels, et méthodologiques. Bien que ces questions soient cruciales tant en philosophie de la psychiatrie que pour la psychiatrie elle-même, je défends ici qu’une des particularités du projet des RDoC est son statut de programme de recherche doté d’une large enveloppe budgétaire, et en cela qu’il s’agit non seulement d’une classification, mais surtout d’un dispositif de gouvernance de la recherche, dont j’essaie de caractériser les effets à l’aide d’un terrain d’enquête.
À la fois dans sa structure-même et par les technologies qu’il met en avant, cet outil promeut structurellement une certaine vision de ce que devrait être la psychiatrie comme science. Cette vision normative est en tension avec le pluralisme de la psychiatrie, que les RDoC tentent d’organiser par leur logique intégrative. Cette logique intégrative repose sur deux stratégies : l’idéal de l’unité de la science psychiatrique, et la conception instrumentaliste des techniques. Ces stratégies négligent le rôle des valeurs morales et politiques dans les sciences et les techniques. Cela m’amène à conclure que le projet intégratif des RDoC semble fragile dans sa forme actuelle, car, du fait de choix de conception, il ne permet pas de tenir compte de l’ensemble du pluralisme explicatif et axiologique de la psychiatrie. Finalement, je propose de doter la psychiatrie d’une « éthique de l’ambiguïté » qui tienne compte du caractère protéiforme des classifications comme objets-frontières inscrites dans des milieux. Je propose un cahier des charges pour la conception de classifications qui permettent de favoriser la productivité et la fécondité épistémique du pluralisme de la discipline.
Instances :
Organisation de séminaire :
Article dans des revues avec comité de lecture
Article dans des revues sans comité de lecture
Communications dans des congrès internationaux ou nationaux sans acte
Valorisation de la recherche