Résumé

Le projet des Research Domain Criteria (RDoC), porté depuis 2009 par le National Institute of Mental Health (NIMH) étatsunien, est un projet de refonte conceptuelle du trouble mental à des fins de recherche. Il a été majoritairement commenté sur ce versant conceptuel. Cependant, le projet disposant d’une enveloppe budgétaire finançant des recherches extra-muros, il est doté d’un pouvoir économique s’ajoutant à sa proposition conceptuelle, et ce pouvoir contribue à normer ce que devrait être la psychiatrie. Dans ce working paper, issu de versions intermédiaires d’un manuscrit de thèse en cours de rédaction, je propose d’enrichir les analyses qui ont été produites concernant les RDoC. A partir d’une restitution détaillée des étapes de leur développement avec une perspective internaliste, je suggère que, sans nier l’importance des enjeux conceptuels, il faut également prendre en compte le volet de financement de la recherche des RDoC. Ce volet invite à les aborder comme un programme de transformation de la psychiatrie dans son ensemble, et non pas seulement comme une classification pour la recherche.

Auteur(s)

Elodie Gratreau est doctorante au laboratoire « Connaissance Organisation et Systèmes techniques » (Costech) de l’université de technologie de Compiègne depuis octobre 2020. Ses recherches portent sur la manière dont les techniques qu’emploie la psychiatrie ont un effet sur le concept de trouble psychique, en particulier tel qu’il se donne à voir dans les classifications psychiatriques. Elle travaille plus spécifiquement sur le projet des Research Domain Criteria.

Plan

Introduction : classifications en psychiatrie

Les troubles mentaux font l’objet des investigations qui définissent la psychiatrie comme discipline, dont une des tâches centrales est d’en identifier les manifestations en vue de les expliquer, les classer, les diagnostiquer et les soigner. Il s’agit là d’une activité clinique et scientifique, qui prend forme aussi bien à l’hôpital qu’au laboratoire. Mais elle prend également forme au sein des institutions qui régulent les pratiques psychiatriques, par exemple en autorisant la mise sur le marché des traitements, en émettant des recommandations thérapeutiques, en légiférant sur l’organisation des soins, ou encore en attribuant des ressources aux projets de recherche. En matière de classifications psychiatriques, les institutions régulatrices sont multiples. Officiellement, à l’échelle globale, c’est l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui répertorie les troubles mentaux au sein d’un chapitre dédié dans la classification internationale des maladies (CIM). Toutefois, historiquement, c’est le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM), édité par l’American Psychiatric Association (APA), qui s’est imposé comme référence, en particulier à partir de sa troisième édition (DSM-III), parue en 1980. La classification de la CIM est très proche de celle du DSM en matière de troubles mentaux, et ce dernier intègre les équivalences de codes diagnostiques vers la CIM ; pour l’analyse, je propose donc de retenir que la classification prédominante en psychiatrie est aujourd’hui le DSM.

Le DSM répertorie l’ensemble des catégories diagnostiques reconnues par l’APA, auxquelles sont associés des critères dont la vérification permet de poser le diagnostic. Cette structure, qui répond à une logique algorithmique, a été pensée pour renforcer la fiabilité inter-juge de la classification, qui correspond à la reproductibilité du diagnostic : si un·e même patient·e est soumis·e à l’examen de deux psychiatres distinct·e·s, il est attendu que ces dernier·ère·s poseront le même diagnostic. Cela est théoriquement garanti par l’établissement de critères objectifs et a-théoriques, c’est-à-dire sans présupposer des causes sous-jacentes aux manifestations cliniques observées. Ce souci de la fiabilité semble néanmoins s’être effacé dans les publications sur les classifications psychiatrique, mettant désormais en avant le problème de leur validité. Ainsi, les catégories du DSM ne seraient pas valides (Hyman 2010). Plus spécifiquement, ces constructions théoriques ne reflèteraient pas des causes biologiques homogènes. Cette critique n’est pas fondamentalement nouvelle et se retrouve au contraire tout au long de l’histoire de la psychiatrie, et prend également forme au sein de débats philosophiques sur la nature des troubles mentaux et la possibilité de les qualifier d’entités naturelles (Kendler, Zachar, et Craver 2011 ; Tabb 2019 ; Tsou 2016 ; Zachar 2000). Cependant, dans cette forme particulière, qui concerne le manque de validité des catégories du DSM, la critique a abouti à l’élaboration de classifications alternatives. L’une d’entre elles a particulièrement attiré l’attention : le projet des Research Domain Criteria (RDoC), porté par le National Institute of Mental Health (NIMH, Etats-Unis) depuis 2009.

D’un point de vue classificatoire, les RDoC répertorient deux listes au sein d’un tableau à double entrée (appelé « matrice »). La première, dans les lignes de la matrice, est une liste de construits neurocomportementaux, c’est-à-dire de fonctions définies par la correspondance validée, en recherche, entre un comportement et son instanciation neuronale. Ces construits, pensés comme des dimensions (par opposition à la nature catégorielle des construits diagnostiques du DSM) sont réunis au sein de six domaines de fonctionnement cognitif, qui donnent donc leur nom au projet. La seconde, dans les colonnes, est une liste d’unités d’analyse, des gènes aux comportements, qui correspondent à différents types de mesures que le projet estime appropriés pour quantifier le fonctionnement cognitif. Une cellule du tableau est donc la rencontre entre une fonction neurocomportementale et une donnée quantifiée. Il s’agit là d’une classification qui vise à équiper la recherche d’une alternative pour explorer les facteurs étiologiques sous-jacents à la souffrance psychique, alors reconceptualisée non pas comme un ensemble de critères objectifs observables en clinique (comme dans le DSM) mais comme un ensemble de dysfonctionnements cognitifs qui seraient directement quantifiables par les neurosciences, la biologie moléculaire, la physiologie, et les sciences du comportement.
Les RDoC ont fait l’objet de nombreux commentaires, allant des plus enthousiastes aux plus critiques. De manière très synthétique, les enthousiastes se réjouissent de l’impulsion proposée par les RDoC en matière de recherche : il s’agit d’un nouveau cadre, innovant (Pickersgill 2019), spécifiquement dédié à la recherche en psychiatrie (par opposition à la clinique : les RDoC ne sont pas une classification diagnostique), qui s’appuie sur les avancées technologiques les plus récentes. Les sceptiques voire critiques, quant à elles et eux, mettent en particulier en avant le réductionnisme du projet (Faucher et Goyer 2016 ; Tabb 2020), ou bien même l’aporie de l’objectif de validité tel qu’il est promu au sein du projet (Demazeux et Keuck 2023).

Il est évidemment crucial d’analyser finement les enjeux conceptuels et explicatifs des RDoC puisqu’ils sont représentatifs des transformations en cours dans le champ de la recherche en psychiatrie et représentent donc un groupe dominant d’intérêts épistémiques contemporains en matière de troubles mentaux. Toutefois, si l’on peut dire des RDoC qu’ils sont « représentatifs » des intérêts épistémiques « dominants » aujourd’hui en psychiatrie – comme je viens de le faire –, ce n’est pas tant parce que leur fécondité épistémique a été démontrée mais parce qu’il s’agit aussi d’un programme de financement de la recherche. Les RDoC sont donc à la fois un projet de refonte conceptuelle (qui prend forme au sein d’une nouvelle classification) et une enveloppe budgétaire qui leur permet de diffuser leur classification en s’appuyant sur la nécessité, pour les laboratoires, d’être financés sous la forme de projets.

Cette analyse du projet des RDoC comme programme de financement de la recherche est moins présente dans la littérature que celle de ses enjeux conceptuels et explicatifs. Je propose donc dans le texte qui suit de restituer l’histoire du projet en mettant en avant à la fois les éléments de refonte conceptuelle mais aussi les éléments qui contribuent à rendre les RDoC productifs via la diffusion de leurs principes méthodologiques et le financement de projets. Ce second point de vue justifie qu’il ne s’agit pas pour moi de discuter le bien-fondé épistémique des RDoC mais plutôt de montrer comment ses partis pris ont pu contribuer à transformer effectivement la recherche en psychiatrie. Pour ce faire, je parcours extensivement la littérature primaire concernant les RDoC de manière à y cibler les transformations du projet au fil de sa jeune histoire, en dégageant deux périodes (qui constituent deux sections) : la structuration du projet jusqu’en 2013, puis les efforts de clarification qui ont permis de stabiliser le projet et d’y intégrer de nouveaux partis pris. Une section conclusive me permet finalement de discuter le succès des RDoC en termes de productivité effective de son cadre.

Les RDoC à leurs débuts

Les principes les plus structurants du projet des RDoC sont tout d’abord amorcés par le plan stratégique du NIMH paru en 2008. Ce dernier liste quatre grands « objectifs stratégiques », chacun décliné en différentes stratégies. Les RDoC sont réputés avoir pris racine dans la stratégie 4 de l’objectif 1 (point 1.4. du plan stratégique ; voir par ex. Kozak et Cuthbert 2016). Ce premier objectif stratégique est « [d’]encourager les découvertes dans les sciences du cerveau et du comportement pour informer la recherche sur les causes des troubles mentaux », la stratégie 4 consistant à « développer, à des fins de recherche, de nouvelles méthodes de classifications des troubles mentaux basées sur des dimensions de comportement observable et de mesures neurobiologiques » (NIMH 2008). A ce stade, l’accent est particulièrement mis sur l’étiologie biologique des troubles, mais également sur la question de la classification. Il est probable que ce point précis du plan stratégique constitue une réaction à la publication des premiers travaux réalisés dans le cadre du développement du DSM-5 (Kupfer, First, et Regier 2002 ; Regier et al. 2009, 2010), alors en cours.

Il est important de noter que le DSM-5 est alors la cible d’une controverse avant sa publication, dont ont résulté des débats sur l’avenir du diagnostic en psychiatrie (Phillips et al. 2012), et dans lesquels des personnalités du NIMH sont impliquées. Par exemple, en 2010, Steven E. Hyman, directeur du NIMH de 1999 à 2001, publie un article dans lequel il examine toutes les difficultés rencontrées par le DSM (Hyman 2010). Plus tôt, en 2007, il pose la question : « Les neurosciences peuvent-elles être intégrées au DSM-V ? » et répond : « Il est probablement prématuré d’intégrer la neurobiologie dans les classifications formelles des troubles mentaux qui seront au cœur du DSM-V. Cependant, il n’est pas trop tôt pour utiliser la neurobiologie comme un outil central pour repenser l’approche actuelle des troubles mentaux. » (Hyman 2007, p. 731) D’après lui, une manière d’intégrer les neurosciences dans les classifications serait de passer d’une approche catégorielle à une approche dimensionnelle des troubles. Cette vision est partagée par Bruce N. Cuthbert (Cuthbert 2005), qui représente, avec Michael J. Kozak, le NIMH auprès de l’APA lors de groupes de travail sur le DSM-5 et deviendra ensuite le directeur du groupe de travail des RDoC au sein du NIMH. Cette approche dimensionnelle semble d’ailleurs être initialement au cœur des modifications proposées pour le DSM-5 (Phillips 2013 ; Regier et al. 2010), qui a finalement gardé pour l’essentiel sa structure catégorielle. L’approche dimensionnelle est aussi centrale dans une proposition de financement portée par le NIMH dès 2001 (RFA-MH-02-009) et dont les termes préfigurent ce qu’allaient devenir les RDoC puisqu’il s’agit alors d’encourager une recherche visant à « disséquer les troubles mentaux définis actuellement en des clusters ou dimensions des symptômes les composant » ou encore à « sélectionner un cluster de symptôme spécifique ou une dimension pour une analyse intensive ».

En somme, au cours des années 2000, une insatisfaction croît concernant le DSM. Plusieurs chercheurs appellent de leurs vœux une classification des troubles en dimensions pour faciliter l’intégration des résultats des neurosciences. Il me semble que c’est précisément cette insatisfaction et cette demande venue de la recherche qui structurent le point 1.4 du plan stratégique du NIMH, qui a donné naissance aux RDoC. Le projet prend donc initialement racine dans une perspective classificatoire et fortement neuroscientifique pour proposer une alternative qui réponde aux lacunes du DSM

Après la publication de son Plan Stratégique, le NIMH a implémenté l’objectif 1.4 sous la forme des RDoC en mettant en place, au printemps 2009, un groupe de travail interne spécifiquement chargé du projet. Ce groupe, dirigé par Cuthbert, a choisi de mettre en place une succession de réunions entre experts et expertes pour affiner les construits, puis a proposé à la communauté scientifique l’examen de cinq domaines de fonctionnement initiaux prédéfinis en interne – les mêmes que ceux encore en place aujourd’hui, à l’exception du système sensorimoteur qui a été ajouté plus tard (voir section suivante). Un groupe d’expertise a été formé pour chaque domaine, à qui ont été soumis une description provisoire du domaine (Sanislow et al. 2010) et des construits prédéfinis par le groupe interne, avec pour objectif de recommander l’ajout, la modification ou bien la suppression de ces premiers construits au sein des dimensions. Dans tous les cas, deux critères étaient fixés pour l’identification des construits qui allaient structurer les RDoC : « des preuves solides de [leur] validité » et « la preuve qu’un circuit ou système neuronal implémente [ce construit] » (Kozak et Cuthbert 2016 ; également détaillé dans Cuthbert et Insel 2012). En plus d’identifier les construits pertinents au sein de chaque domaine, les groupes d’expertise devaient aussi leur fournir une définition et identifier les éléments empiriques, issus de la recherche expérimentale, qui rempliraient les cellules de la matrice – autrement dit, les mesures connues pour chaque construit, pour informer les différentes unités d’analyse (Morris et Cuthbert 2012). En somme, cinq groupes de 40 à 50 expert·e·s ont été formés pour renseigner les cinq dimensions de fonctionnement au niveau des construits et des unités d’analyse. Ces groupes de travail se sont réunis entre juillet 2010 et juin 2012. Pendant cette période, ce sont donc 200 à 250 chercheur·e·s qui ont contribué à l’élaboration des RDoC, discutant du contenu de la classification tout en tant exposé·e·s à la proposition qu’ils constituaient sur le plan conceptuel.

A ce stade du projet, trois prémisses sont conceptuellement structurantes, faisant directement écho au Plan Stratégique de 2008 (Insel et al. 2010 ; Morris et Cuthbert 2012) :

« Premièrement, le cadre de travail des RDoC conceptualise les maladies mentales [mental illnesses] comme des troubles du cerveau [brain disorders]. […] Deuxièmement, la classification des RDoC présume que les dysfonctionnements dans les circuits neuronaux peuvent être identifiés avec les outils des neurosciences cliniques […]. Troisièmement, le cadre de travail des RDoC présume que les données de la génétique et des neurosciences cliniques fourniront des biosignatures qui informeront les symptômes et signes cliniques en vue de leur prise en charge clinique. » (Insel et al. 2010, 749)

Ces prémisses ont fait couler beaucoup d’encre, notamment en ce qui concerne le réductionnisme dont les RDoC semblent alors faire preuve. Une autre vision du projet, moins réductionniste et centrée sur la biologie des troubles, plus intégrative et pluraliste, est cependant déjà présente la même année dans une autre publication (Sanislow et al. 2010). Il me semble que c’est le signe de dissensus au sein du groupe de travail, entre notamment Thomas R. Insel, directeur du NIMH et promoteur de la psychiatrie de précision dont les RDoC devraient selon lui être une figure de proue (Insel 2014), et d’autres chercheur·e·s avant tout partisan·e·s de l’approche dimensionnelle et intégrative. Malheureusement, en l’absence d’archives accessibles au public, ces dissensus et débats internes ne sont pas documentés dans le détail. Mais, par exemple, il est important de relever que l’article d’Insel et ses collègues paru en 2010 n’a pas été co-écrit par l’intégralité des membres du groupe de travail, Cuthbert m’indiquant par mail que l’un d’entre elles et eux « s’est retiré des auteurs à cause de cette phrase [celle identifiant maladies mentales et troubles du cerveau] ». Ces dissensus ont donné lieu à des négociations et compromis qui me paraissent typiques de la manière dont les RDoC ont reconfiguré des pratiques et relations interprofessionnelles. A ce stade, notons surtout qu’à leurs débuts les RDoC sont conceptuellement encore en négociation (Pickersgill 2019), et donc instables.

Ainsi, à peu près au même moment, les trois prémisses cohabitent avec quatre « distinctions notables » qui en sont conceptuellement différentes (Cuthbert et Insel 2010a, 312 14). La première est le caractère translationnel de la recherche promue par les RDoC. La seconde concerne la validité des construits. La troisième fait la distinction entre les catégories diagnostiques habituelles (sous-entendu : du DSM) et les dimensions des RDoC, sans nécessité d’équivalence, ce que les auteurs nomment un agnosticisme vis-à-vis des catégories diagnostiques habituelles : « le fait que, jusqu’à ce plus de données soient rassemblées à propos de la nature des différentes dimensions, il est difficile de déterminer la validité des construits des troubles actuels. » (ibid.) Enfin, la quatrième distinction notable est la flexibilité méthodologique encouragée par les RDoC. Quatre autres principes, présentés comme découlant de l’objectif 1.4 du Plan Stratégique, sont présentés dans une autre publication écrite la même année (Cuthbert et Insel 2012). Il s’agit cette fois (1) de la méthodologie ayant permis d’aboutir aux construits (sous forme de consortia, de groupes d’expertise comme décrit plus haut) ; (2) de l’approche intégrative ; (3) de l’approche dimensionnelle ; et enfin (4) du développement de mesures fiables et valides.

Cette instabilité dans les descriptions des principes des RDoC, au tout début du projet, se retrouve aussi dans une ambiguïté importante à relever : les RDoC sont initialement décrits comme une classification, ce qui crée un trouble quant à leur statut vis-à-vis du DSM, d’autant plus que leur nom fait référence directe à l’histoire du DSM. En effet, la structure du DSM, depuis sa troisième édition, repose sur des critères diagnostiques issus des critères de Feighner (Feighner 1972), ensuite développés sous la forme du projet des Research Diagnostic Criteria, les RDC (Spitzer 1978). La référence faite aux RDC sous la forme du nom du projet des RDoC (Cuthbert 2015), ainsi que des formules comme « […] une approche innovante de la classification […] » (Sanislow et al. 2010, 633), « […] guider de nouvelles classifications dimensionnelles des patients et patientes dans les projets de recherche » (Cuthbert et Insel 2010b, 1062), ou encore plus frontalement « la classification des RDoC » (Insel et al. 2010, 749), ont pu laisser entendre que les RDoC visaient à remplacer le DSM. D’autres publications (voire parfois les mêmes) font au contraire la distinction, en précisant que les RDoC ont pour objectif d’informer de futures classifications, ou encore en réaffirmant les spécificités et applications respectives des RDoC et du DSM (Cuthbert & Insel 2010b), et notamment le fait que les RDoC s’adressent exclusivement à la recherche. Ces deux discours ne me semblent pas contradictoires : en effet, les RDoC constituent une classification, mais non pas des troubles, ou encore des diagnostics. Il s’agit d’une classification de construits d’un autre type, qui ne vise pas un rôle nosologique mais plutôt un rôle heuristique visant à encourager un type particulier de recherches en psychopathologie. En ce sens, il s’agit d’une classification qui concurrence le DSM dans la recherche – et qui le revendique – mais qui n’a pas prétention à devenir un outil diagnostique. Cependant, bien que non-contradictoires, ces postures sont ambiguës, en particulier dans un climat de déception vis-à-vis du DSM.

En 2013, Insel vient ajouter de la matière à cette ambiguïté en publiant un billet virulent sur son blog de directeur du NIMH à propos du DSM-5, le 29 avril, seulement trois semaines avant la publication officielle de ce dernier. Il y écrit

« la force de chaque édition du DSM a été « la fiabilité » — chaque édition s’est assurée que les cliniciens et cliniciennes utilisent le même terme de la même façon. Sa faiblesse est son manque de validité. […] En effet, les diagnostics basés sur des symptômes, auparavant commun dans d’autres aires de la médecine, ont été largement remplacés dans la dernière moitié de siècle puisque nous avons compris que les symptômes seuls n’indiquent que rarement le meilleur choix de traitement. Les patients et patientes atteint·e·s de troubles mentaux méritent mieux. […] C’est pourquoi le NIMH va réorienter ses recherches loin des catégories du DSM. » (Insel 2013)

L’ensemble du post accuse le DSM d’être devenu le gold standard du diagnostic alors que ses catégories ne permettraient pas d’identifier des biomarqueurs ; pire encore, elles ne permettraient pas de fournir aux patients et patientes des traitements efficaces. Les RDoC, eux, ont une place de choix dans son argumentation : ils permettraient au contraire d’avancer vers la psychiatrie de précision et d’identifier des traitements basés sur l’étiologie des maladies.

Ce court texte a fait l’effet d’un boulet de canon, largement relayé dans la presse grand public, si bien que deux semaines plus tard, le 14 mai 2013, quatre jours avant la parution du DSM-5, Insel et Jeffrey A. Lieberman, président de l’APA (l’organisme qui édite le DSM), publient ensemble un court texte intitulé « DSM-5 et RDoC : Intérêts partagés  ». Dans ce billet à quatre mains, ils clarifient la position du NIMH vis-à-vis de l’APA et du DSM, en écrivant que le DSM représente

« la meilleure information actuellement disponible pour le diagnostic clinique des troubles mentaux […]. Pourtant, ce qui est aujourd’hui réalistement faisable pour les praticiens et praticiennes n’est plus suffisant pour les chercheurs et chercheures. […] Le DSM-5 et les RDoC représentent des cadres de travail complémentaires, et non concurrents […]. Lorsque des résultats de recherche commenceront à émerger des efforts des RDoC, ces résultats pourraient être incorporés dans les futures révisions du DSM et les recommandations de pratique clinique. » (Insel et Lieberman 2013)

Cette publication constitue presque un erratum au regard du billet de blog d’Insel, dont la véhémence à l’égard du DSM a suscité de nombreuses réactions pointant en particulier le fait que le NIMH allait cesser de financer des recherches basées sur les catégories du DSM. En réalité, les RDoC ne rassemblent pas l’intégralité des financements du NIMH – en 2013 ils ne correspondent qu’à un pourcent des dépenses du NIMH (Cuthbert et Kozak 2013), et au contraire l’institut a continué de financer des recherches basées sur ces catégories. Quoi qu’il en soit, ce billet a eu beaucoup de visibilité, justement du fait de sa véhémence, et a donc fait œuvre de publicité pour le projet des RDoC, et en particulier sa vocation financière, puisque ce qui a été le plus mis en avant est l’idée que le NIMH financerait désormais des recherches qui ne seraient plus exclusivement basées sur les catégories du DSM.

Clarifier et stabiliser le positionnement des RDoC

Le post qu’Insel a publié en mai 2013 a fait grand bruit tant dans la presse grand public que dans la littérature spécialisée, aux Etats-Unis mais aussi à l’étranger. C’est certainement ce post qui a le plus contribué à la visibilité des RDoC à l’international, la grande majorité des publications commentant leurs principes ayant été publiée à partir de 2014 (voire 2015 du côté de la littérature francophone). Après ce post de 2013, publié par Insel, l’attention s’est naturellement portée en priorité sur l’article initial des RDoC dont il était premier auteur (Insel et al. 2010), et notamment sur la phrase « le cadre de travail des RDoC conceptualise les maladies mentales comme des troubles du cerveau » (supra). Les nombreux commentaires produits à cette période ont conduit l’équipe à clarifier le positionnement du projet, notamment ses rapports non-concurrentiels avec le DSM et son absence d’ambition nosologique, mais aussi à mettre l’accent sur l’aspect intégratif du projet, qui suppose une ambition de gestion d’un pluralisme, en réponse aux critiques l’accusant de réductionnisme. Ces clarifications ont permis peu à peu, il me semble, de lever les instabilités conceptuelles et ambiguïtés que j’ai évoquées dans la section précédente.

Une première clarification d’importance est arrivée en 2013, à peu près en même temps que le post d’Insel, en la matière des « sept piliers des RDoC » (Cuthbert et Insel 2013b ; voir aussi id., 2013a), qui se sont montrés stables dans le temps puisqu’ils ont été repris et précisés en 2022 (Morris et al. 2022). Des prémices de ce qu’allaient être les piliers existait déjà dans des « distinctions notables » relevées dans des publications de 2010. Il est intéressant de remarquer que les trois prémisses de l’article d’Insel et ses collègues n’ont été conservées au sein des piliers qu’après avoir subi des modifications profondes. Je fais néanmoins l’économie de la discussion concernant le détail du contenu des piliers, qui relèvent plus des débats conceptuels. Notons simplement que malgré le travail d’élaboration et de stabilisation effectué par la mise en place de ces piliers, c’est toujours l’article séminal de 2010 qui est le plus cité, alors qu’il est en inadéquation avec ce qu’est devenu le projet. C’est peut-être le signe que, en réalité, les enjeux conceptuels et leurs nuances n’intéressent pas tant les chercheur·e·s, qui, dans leur rapport aux RDoC, ont surtout affaire aux partis pris initiaux et aux appels à projets qui déclinent localement les conditions à réunir pour espérer obtenir des financements.

En 2015 et 2016 paraissent deux articles de synthèse sur les principes des RDoC : l’argumentaire qui a conduit à leur développement, le contenu de la matrice, leur positionnement conceptuel, les enjeux opérationnels… (Cuthbert 2015 ; Kozak et Cuthbert 2016). L’article de 2015, écrit par Cuthbert, met particulièrement en avant la tradition historique à laquelle font écho les RDoC, en lien avec les RDC. Quant à l’article co-signé par Kozak et Cuthbert, il constitue ce qui me semble être la meilleure et plus complète synthèse de ce que sont les RDoC au terme de leur structuration, après sept années d’existence.

Dans cet article, les auteurs reviennent sur les raisons d’être du projet des RDoC : les insatisfactions concernant les recherches étiologiques basées sur le DSM, le problème de la validité des catégories de ce dernier, l’intérêt de l’approche dimensionnelle et d’une granularité de construit réduite. Ils poursuivent avec les objectifs des RDoC et le processus par lequel les construits ont été implémentés (avec les groupes d’expertise). Ensuite, les construits sont décrits, selon leur organisation par dimension. Après cette première présentation en trois temps assez classique – bien que particulièrement détaillée ici – au regard des publications à propos des RDoC, les auteurs présentent différents problèmes et enjeux qui ont été pointés vis-à-vis du projet sur les plans théorique et méthodologique. En les regroupant en sept catégories, l’article défend le point de vue des RDoC ; la section suivante de l’article a une teneur similaire, puisqu’elle explique et défend la manière dont peuvent être mis en correspondance les symptômes des pathologies psychiatriques et les construits des RDoC, répondant ainsi à une critique adressée aux RDoC concernant l’absence de lien avec les enjeux de la clinique. Ces deux sections réflexives, dont l’objectif est de clarifier les positionnements théoriques et méthodologiques des RDoC et la manière dont ils entendent s’insérer dans le champ de la psychopathologie ou de la psychophysiologie, me semblent être le signe qu’à ce stade le projet a atteint une forme de maturité conceptuelle. A partir des piliers, il est possible pour les membres du groupe des RDoC de défendre leur cadre de travail dans ses dimensions épistémologiques, philosophiques et méthodologiques, de le rattacher à différentes traditions de recherche venues de plusieurs disciplines, mais aussi de commencer à mobiliser les premiers résultats issus du projet. Il ne s’agit désormais plus de présenter et décrire les RDoC, mais de raffiner les concepts qu’ils défendent et de répondre aux critiques qui ont pu être formulées à leur égard. Le projet s’est stabilisé.

Autre signe de sa stabilisation : différentes décisions à son égard vont pouvoir être prises qui vont le modifier sans le transformer en profondeur. Plus précisément, trois décisions ont été prises entre 2015 et 2017 : deux conceptuelles et une administrative. Les deux premières concernent la matrice et donc le contenu jugé suffisamment valide pour intégrer officiellement le cadre de travail : l’ajout d’une dimension – le système sensorimoteur – et le retrait des références à des gènes spécifiques. Quant à la décision administrative, il s’agit de la démission du directeur du NIMH, Insel, remplacé peu de temps après par Joshua A. Gordon, qui amorcera des changements dans les directions données aux RDoC.

De manière générale le raffinement des construits au sein des dimensions s’est poursuivi au-delà des groupes d’expertise initiaux s’étant réunis entre 2011 et 2012. En effet, le pilier 7 des RDoC impliquent que le cadre de travail et le contenu de la matrice sont susceptibles d’être modifiés, et par ailleurs l’implémentation de la matrice sur une page web facilite cette édition continue et publique (Sanislow 2016). En 2016, un groupe de travail dédié à l’évaluation de changements possibles dans la matrice des RDoC est formé au sein du National Advisory Mental Health Council (NAMHC), un conseil institutionnel qui travaille en étroite collaboration avec le NIMH. Ce groupe a émis, en 2018, deux rapports portant le nom « RDoC Changes to the Matrix (CMAT) ». Le premier rapport porte sur des propositions de modification au sein du domaine du système de valence positive – il s’agit d’y modifier les construits et leurs définitions (NAMHC Workgroup on Changes to the RDoC Matrix 2018b). Le second porte sur le détail de l’implémentation d’un nouveau domaine au sein de la matrice, le domaine du système sensorimoteur (NAMHC Workgroup on Changes to the RDoC Matrix 2018a). L’ajout de ce domaine avait été précédemment annoncé dans un éditorial paru dans le Schizophrenia Bulletin (Garvey et Cuthbert 2017). Dans ce court article, l’autrice et l’auteur mettent en avant quelques études (dont une revue de la littérature (Peralta et Cuesta 2017)) qui, selon elle et lui, justifient l’intérêt d’introduire cette nouvelle dimension dans le cadre de travail des RDoC, plutôt que d’en faire un nouveau construit d’une autre dimension. Elle et il présentent également le processus d’ajout de cette dimension : un groupe d’expertise a été mis en place pour identifier quels construits allaient structurer ce nouveau domaine, exactement comme les cinq autres dimensions ont été évaluées en 2011-2012. Puis ce groupe d’expertise a fourni un rapport, le tout étant ensuite restitué par le groupe de travail du NAMHC dans son propre rapport, puis implémenté dans la matrice en ligne. C’est ainsi que la nouvelle dimension a été officiellement ajoutée aux RDoC, selon un processus qui, bien qu’un peu lourd, a le mérité de l’être beaucoup moins que les processus de révision du DSM.

Une autre modification a été apportée à la matrice : le retrait de mentions de gènes spécifiques dans la colonne correspondante, qui apparaît donc vide depuis mai 2017. Il me semble que cette modification est avant tout le signe d’une transformation conceptuelle concernant le rôle des gènes au sein de l’ensemble du champ de la psychopathologie. Les premières recherches sur la génétique des troubles mentaux portaient l’espoir d’une stricte association entre un ensemble de gènes impliqués et les catégories du DSM. L’approche des RDoC portait, initialement, un espoir similaire d’une correspondance entre les construits et des gènes impliqués dans la transcription du circuit neuronal l’implémentant – les construits jouant alors un rôle de phénotypes intermédiaires (endophénotypes) réputés plus valides (Cuthbert 2014b ; Flint et Munafò 2007 ; Insel et Cuthbert 2009 ; Simmons et Quinn 2014). Mais au milieu des années 2010, l’approche génétique en psychopathologie se transforme à la faveur d’un accent mis sur les processus neurodéveloppementaux et le rôle de l’environnement. Il me semble que la disparition de référence à des gènes candidats spécifiques au sein de la matrice est à mettre en lien avec l’insistance croissante, dans les descriptions faites à propos des RDoC, mise sur le rôle structurant du développement neuronal et de l’évolution dans le temps des fonctions neurocomportementales. Il ne s’agit plus d’élucider quels gènes sont impliqués dans quels construits mais plutôt de comprendre quelles interactions gènes - environnement contribuent à façonner le bon fonctionnement de chaque construit (Casey, Oliveri, et Insel 2014 ; Cuthbert 2016 ; Pacheco et al. 2022). Un témoin de cette insistance est le nouveau schéma heuristique fourni pour présenter les RDoC, qui ne repose plus uniquement sur la matrice mais également sur deux dimensions orthogonales à elle : l’environnement et le développement neuronal (voir Cuthbert 2020, voir aussi fig. 1).

Figure 1. Schéma heuristique des RDoC. Extrait du site du NIMH  : https://www.nimh.nih.gov/research/research-funded-by-nimh/rdoc/about-rdoc, consulté le 18/07/2023.

Il me semble que la capacité des RDoC à apporter des modifications importantes à la matrice est un signe de sa stabilité conceptuelle, qui n’est pas remise en cause par ces modifications mais qui s’en trouve au contraire renforcée. Tout d’abord, ces modifications sont le signe de la bonne implémentation du pilier 7 qui indique que le cadre de travail des RDoC se veut souple et modifiable simplement et en toute transparence. De fait, les modifications structurelles apportées à la matrice (changements au sein des domaines et construits) ont été décidées par des groupes de travail dont les rapports sont accessibles publiquement. Je ne suis pas parvenue à retracer le processus qui a conduit à ce que la colonne des gènes soit vidée de ses références, mais les publications des RDoC sont assez claires dans la manière dont, dans le temps, le rôle de la génétique a été compris au sein du projet, avec une transition vers un renforcement des aspects neurodéveloppementaux et environnementaux déjà présents aux débuts du projet.

Une autre raison pour laquelle il me semble que ces modifications sont le signe d’une stabilité conceptuelle est que ces transformations sont toujours thématisées et intégrées, plus ou moins explicitement, comme constituant des suites logiques des principes du projet. Les concepts et positionnements théoriques sur lesquels reposent les RDoC semblent suffisamment stables et solides argumentativement pour que les ajustements du projet puissent toujours être défendus comme cohérents. Il me semble que cela est dû à la rhétorique sur laquelle repose le projet, une rhétorique de l’innovation et de la nouveauté structurée par des concepts souples promouvant structurellement l’intégration de modification. En effet, un cadre qui se veut intégratif peut par définition intégrer facilement de nouveaux éléments, de même qu’un cadre reposant sur le concept de validité peut facilement retirer ou transformer des éléments pour les rendre plus valides au fil de l’évolution des recherches qu’il promeut. Il s’agit peut-être d’une limite des RDoC, qui peuvent sembler trop souples du fait de la flexibilité de leurs concepts, les rendant critiquables quant à leur réelle stabilité ou encore leur recours à des procédés rhétoriques empêchant l’évaluation de leur succès. Le projet des RDoC n’est en effet pas équipé de méthodes permettant de vérifier ou de réfuter leur bien-fondé et d’acter de leur réussite ou échec.

Un dernier évènement va venir modifier les RDoC, cette fois-ci plus profondément – c’est-à-dire dans leur orientation et en particulier les outils de recherche qu’ils promeuvent. Il s’agit de l’arrivée de Joshua A. Gordon à la direction du NIMH suite à la démission de Thomas R. Insel en octobre 2015. Quelques mois après son arrivée à la direction du NIMH, Gordon publie deux billets sur son blog de directeur à propos de sa position concernant les RDoC. Le fait même qu’il ait été amené à le faire si extensivement me semble être le signe que le départ d’Insel représentait aussi le départ d’une figure de proue des RDoC qui pouvait conduire à leur remise en cause. Et de fait, la prudence est de mise, ce qui tranche grandement avec l’enthousiasme et le soutien que montrait Insel quelques années plus tôt. D’après Gordon, « l’utilité de l’approche des RDoC doit encore être déterminée » (Gordon 2017c). Il considère que les RDoC constituent encore, à ce stade, une hypothèse de travail qui n’a pas encore fait ses preuves, et dont il convient de poursuivre l’investigation dans l’espoir de la valider.

Pour lui, la meilleure manière de garantir la validité des construits et ainsi le succès des RDoC est de recourir à des analyses multidimensionnelles de milliers de mesures faites sur des centaines de milliers de sujets. Cela correspond à une approche dite computationnelle, permettant de traiter de nombreuses données (Gordon 2017c). Il évoque le projet All of Us, qui consiste en un recueil de multiples données, notamment cliniques, concernant un million de personnes volontaires recrutées aux Etats-Unis. D’après Gordon, intégrer une batterie de tests cognitifs basés sur les dimensions et construits des RDoC au sein des données recueillies dans le projet All of Us permettrait de faire émerger des cadres explicatifs neurocomportementaux valides et dont un lien avec des signes cliniques pourrait aisément être établi, facilitant ainsi la translation des RDoC vers la clinique et leur traduction vis-à-vis de diagnostics DSM (Gordon 2017b). Ainsi, au moment de sa prise de fonction, Gordon indique que la psychiatrie computationnelle et théorique est un des axes principaux sur lesquels il aimerait travailler (Gordon 2017a), en suite logique de ses travaux les plus récents (Redish et Gordon 2016). Il me semble que ce nouveau positionnement au sein du NIMH va amorcer un tournant computationnel dans les méthodes des RDoC, qui sont alors susceptibles de rejoindre le champ naissant de la psychiatrie computationnelle.

Le NIMH a ainsi organisé, en juin 2017, deux journées visant à établir l’intérêt et les difficultés de l’approche computationnelle en psychiatrie, dont résulte un rapport plutôt enthousiaste (Ferrante et al. 2019). Il me semble qu’un point important de ce rapport est la nécessité d’établir un langage commun qui permette aux cliniciens et cliniciennes, aux chercheurs et chercheures en neurosciences et sciences du comportement, et à ceux et celles en sciences computationnelles, de travailler ensemble. Un cadre possible pour faciliter l’établissement de ce langage commun pourrait être celui des RDoC, ce qui traduit une transformation progressive du statut de ce projet.

En 2020, le NIMH célèbre les 10 ans des RDoC. Les différentes publications à ce sujet font deux constat. Tout d’abord, Gordon écrit dans son blog du directeur du NIMH que « le cadre de travail des RDoC a changé les discussions en matière de santé mentale » (Gordon 2020b). Après avoir été sceptique, Gordon se montre désormais confiant concernant les RDoC et leur réussite, et cite quelques études démontrant du succès du projet. De fait, en 2020 près de 500 financements actifs comportent une mention aux RDoC dans le portail RePORTER (Cuthbert 2022), signe que le projet est bien en place dans la recherche et a a minima encouragé de nouvelles recherches, exactement comme il entendait le faire. Second constat : l’avenir des RDoC se trouve dans la psychiatrie computationnelle et le traitement de données massives (Gordon 2020a), à la fois en ce qui concerne ce qui informera le cadre qu’en ce qui concerne ce que le cadre pourra informer : une synergie se met en place entre RDoC et approches computationnelles. Sanislow écrit par exemple que « les RDoC pourraient fournir des moyens d’action pour le développement de modèles computationnels de systèmes psychopathologiques qui intègrent les mécanismes neuronaux et psychologiques avec les processus neurodéveloppementaux et les influences environnementales. » (Sanislow 2020, 312) Dans le même ordre d’idée, Gordon annonce qu’un ensemble de tâches cognitives basées sur les construits des RDoC et réalisables sur smartphone est en cours de finalisation pour être intégré aux données recueillies dans le cadre du projet All of Us (Gordon 2020a). Dans un article faisant le bilan des progrès et potentiels des RDoC, et aux côtés d’autres enjeux tels que les études sur le développement neuronal ou les applications cliniques, Cuthbert met en avant que les méthodes computationnelles sont venues répondre au besoin de développement de nouvelles méthodologies et design de recherche, précisément ce que les RDoC entendent encourager depuis leurs débuts (Cuthbert 2022). Au sein du NIMH, la brique la plus récente de cette approche est le projet IMPACT-MH – pour Individually Measured Phenotypes to Advance Computational Translation in Mental Health (Gordon 2023), qui, comme les RDoC, entend financer un type de recherche : cette fois-ci, des recherches visant à amorcer une transition vers la psychiatrie computationnelle à des fins de translation vers une clinique de précision.

Conclusion : de la refonte conceptuelle au programme de recherche

Que retenir de ce récit détaillé du développement du projet des RDoC ? Il me semble qu’il révèle deux choses : la porosité, en psychiatrie, entre recherche et clinique ; l’importance du caractère programmatique du projet.
Comme j’ai essayé de le montrer, au fil des années le groupe de travail des RDoC a été amené à préciser les contours du projet ainsi que ses partis pris conceptuels et méthodologiques, ce qui a donné lieu à des publications de synthèse (Kozak et Cuthbert 2016) ou de réponse à des critiques (Cuthbert 2014a ; Cuthbert et the NIMH RDoC Workgroup 2014). Il me semble essentiel de souligner combien ces efforts pour clarifier et stabiliser le projet ont été réalisés au moins pour partie du fait d’enjeux cliniques, et non pas seulement des intérêts épistémiques guidant l’ambition de refonte conceptuelle. Certes, les modifications dans la matrice (ajout d’une dimension, modification des construits, retrait des références à des gènes spécifiques) ont toutes été justifiées par des arguments épistémiques, scientifiques, bref : disons « de recherche ». En revanche, les nombreux efforts de clarification sont venus répondre à un ensemble de critiques, et en particulier à celle du réductionnisme. Or, parmi les arguments antiréductionnistes mobilisés contre les RDoC – qui, rappelons-le, sont un projet de classification à des fins de recherche – se trouvent des arguments concernant la nature de la souffrance psychique telle qu’elle se manifeste chez les patient·e·s. Il s’agit typiquement des critiques venues des chercheur·e·s défendant une approche phénoménologique de la psychiatrie, tels que Josef Parnas (2014 ; Parnas, Sass, et Zahavi 2013), ou encore énactiviste, tel que Simon Goyer (2022). Ces critiques, ancrées dans les traditions normativistes, pointent les difficultés qu’ont les RDoC dès qu’il s’agit de tenir compte de l’expérience que les patient·e·s font de leurs troubles, et de la manière dont ceux-ci sont inextricablement liés à leur trajectoire biographique (tant en termes d’étiologie qu’en termes de conséquence et de qualité de vie). Ces dimensions non-quantifiables, centrales dans la clinique psychiatrique et qui font elles aussi l’objet de recherches, ne peuvent structurellement pas être intégrés dans le cadre du projet des RDoC, qui se veut pourtant intégratif du pluralisme de la psychiatrie, et qui se trouve alors accusé de développer une recherche sans intérêt pour la clinique. Il semble donc qu’un projet de recherche en psychiatrie ne puisse pas faire l’économie d’un contact étroit avec les enjeux cliniques, à la fois pour des raisons épistémiques et pour des raisons de légitimité. De fait, les promoteurs et promotrices du projet ont veillé à délimiter le champ d’étude des RDoC à « la recherche »… tout en promettant combien il pourra améliorer la prise en charge des patient·e·s : par exemple, Insel (2013) écrit que ces dernier·ère·s « méritent mieux » que le DSM, à savoir qu’iels méritent une approche telle que les RDoC. Cette porosité de la frontière qui délimiterait la recherche et de la clinique psychiatriques justifie de ne pas sous-estimer combien des projets tels que les RDoC, avec tous leurs partis pris, sont susceptibles de transformer la clinique et l’ensemble du champ de la psychiatrie, quand bien même ils revendiquent ne concerner que la recherche. Compte tenu du fait que le projet draine une masse financière non négligeable, cela amène le NIMH à devoir expliciter et justifier ses budgets (Gordon 2022), mettant en avant combien l’institut définit les priorités en matière de santé mentale précisément par ses orientations budgétaires.

Ce premier élément de conclusion m’amène au suivant : les RDoC ne sont pas qu’un projet de refonte conceptuelle matérialisé dans une classification, il s’agit aussi – et peut-être surtout – d’un programme de recherche. J’entends par-là que, indépendamment des débats conceptuels et méthodologiques, ils ont été productifs en finançant un grand nombre de projets, et c’est précisément cet aspect-là qui est mis en avant lorsqu’il s’agit de dire que les RDoC sont un succès. Il ne s’agit pas de se réjouir des résultats produits par ces projets financés, non : il s’agit de se réjouir que les RDoC ont « changé les discussions en matière de santé mentale » (Gordon 2020b), c’est-à-dire qu’ils ont permis le développement d’un certain type de recherche, qu’il soit fécond ou non. Il est difficile de dire si la matrice des RDoC et toute l’élaboration conceptuelle qui l’entoure y sont véritablement pour quelque chose lorsque l’on sait combien la recherche contemporaine est soumise au fonctionnement par (appels à) projets pour obtenir des ressources. Ces appels, notamment émis par des institutions comme le NIMH, définissent les orientations prioritaires et les contraignent (Barrier 2011 ; Braun 1998 ; Jouvenet 2011). C’est cette dynamique que je qualifie de programme de recherche. Il n’est pas assuré que les RDoC auraient eu autant de visibilité et de succès s’il ne s’était agi que d’un projet de classification. Il me semble que, au contraire, c’est parce qu’ils financent des recherches qu’ils se sont autant développés, de telle sorte que l’on ne peut analyser leurs partis pris sans tenir compte de leur pouvoir économique.

Désormais, les RDoC sont représentatifs des tendances principales dans la recherche en psychiatrie : ils promeuvent tout aussi bien la psychiatrie de précision que la psychiatrie computationnelle, dans une logique de production et de traitement de très nombreuses données biologiques et comportementales adossée à des promesses technologiques, tout en s’inscrivant dans les dynamiques du financement de la recherche par projet. En France, un programme équivalent a été annoncé en avril 2023 sous la forme du PEPR « Psychiatrie de précision » (ProPSY), signe que cette tendance se confirme et se déploie à l’international, et qu’il est donc d’autant plus urgent de poursuivre les analyses et propositions afin d’anticiper les possibles conséquences qu’auront les limites pointées dans ces projets. Ces limites sont à la fois d’ordre conceptuel, explicatif, et socio-économique : elles concernent la nature des troubles mentaux, la manière dont il est fécond de les étudier, et les effets qu’ont ces projets sur les équipes de recherche, sur les soignant·e·s, et sur les usager·ères de la psychiatrie. De ce fait, il paraît pertinent de mêler dans un même cadre la double-analyse des ambitions conceptuelles et du caractère programmatique des projets comme les RDoC. Il me semble qu’un tel cadre pourrait être celui proposé par proposée par Geoffrey C. Bowker et Susan Leigh Star (2023 [1999]), qui consiste à analyser les classifications comme infrastructures-frontières. Appliqué aux RDoC, ce cadre pourrait rendre apparentes certaines dimensions du projet souvent laissées de côté, comme son inscription matérielle, les nécessaires coopérations qui président à sa gestion et sa diffusion, ou encore les valeurs qu’il promeut implicitement. Une telle analyse permettrait alors de mieux saisir en quoi les projets comme les RDoC peuvent aussi être des programmes de transformation de la psychiatrie.


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Citer cet article

Gratreau, Elodie. "Histoire du projet des Research Domain Criteria : de la refonte conceptuelle au programme de recherche.", 14 juillet 2024, Cahiers Costech, numéro 7.

URL https://www.costech.utc.fr/CahiersCostech/spip.php?article193